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raderie n’a jamais cessé de régner entre tous nos soldats, quelle que soit leur origine. Il n’y a donc à prévoir aucune difficulté pour l’emploi des troupes sénégalaises en colonne dans toute l’Afrique septentrionale, et pour une répartition de ces troupes qui résulterait des nécessités militaires.

Mais le stationnement, en garnison normale et permanente, d’un grand nombre de tirailleurs sénégalais — dix mille à titre d’expérience — soulève un tout autre problème. Nos soldats noirs sont des volontaires, et sous peine de tarir leur recrutement, nous devons leur assurer une existence conforme à leurs besoins et à leurs goûts.

Il faut avant tout leur éviter les inconvénients du dépaysement. Le procédé pour y arriver est connu et employé ; il consiste à leur laisser l’existence coutumière, la vie de famille, et par conséquent à leur permettre d’emmener femmes et enfants, comme nous faisons déjà au Congo-Tchad, à Madagascar et au Maroc. Le noir est rarement polygame, le tirailleur presque jamais. Ce sont donc là des sentiments que nous pouvons comprendre.

La saine atmosphère de la vie familiale réagit sur le jeune tirailleur non marié, qui prend pension dans un ménage. Au Soudan même, le village de tirailleurs se forme près du poste, qui abrite les familles en cas d’attaque. Partout il se transporte semblable à lui-même, et reconstitue un coin du pays natal, le meilleur. Il réunit la propreté naturelle du noir à la netteté militaire[1].

  1. M. le commandant Toutée, depuis général, est reçu par le roi du Dahomey, successeur de Béhanzin et le roi sort à l’impro-