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la brèche aux buffles.

ranchmen succombent devant la coalition des ėmigrants-fermiers et des habitants des villes. Les premiers veulent leur prendre la terre, ou du moins élèvent des clôtures qui coupent le parcours et privent les animaux de leurs meilleurs pâturages. Les cow-boys, qui exècrent les grangers, comme ils les appellent dédaigneusement, renversent les clôtures, détruisent les récoltes et chassent les bestiaux des premiers. Mais il arrive toujours à la fin qu’ils sont repoussés par la marée montante de l’émigration.

Avec les villes, la lutte prend une autre forme. C’est dans les villes que résident toutes les autorités : elles cherchent toujours à augmenter les dépenses, parce que c’est chez elles que se dépense tout l’argent dont la plus grande partie est fournie par les ranchmen, car tous les impôts sont frappés sur le capital, et les ranchmen sont les seuls capitalistes du pays. Ceux-ci se défendent en faisant nommer leurs créatures aux fonctions du comté. J’en connais un qui, ennuyé d’être rançonné sous différents prétextes par le juge de son comté, a fait élire son cocher, un Irlandais, qui s’acquitte de ses doubles fonctions à la satisfaction générale, quand il n’est pas trop ivre. C’est surtout à propos des écoles que la lutte prend souvent des proportions épiques. Dans un comté voisin, il s’agissait de construire un groupe scolaire tout à fait à l’instar de ceux de M. Ferry. Le jour du vote, la ville fut envahie par tous les ranchmen du voisinage, arrivés à la tête de leurs cow-boys armés jusqu’aux dents et abreuvés à outrance. Il y en eut qui votèrent jusqu’à six fois, tant était grande leur bonne volonté, et grâce à eux les 12 ou 15 000 dollars qu’il s’agissait de dépenser sont restés dans les poches des ranchmen, au lieu de passer