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préface.

cutés par la haine basse du fonctionnaire hostile et tout-puissant. On a causé bien souvent de toutes ces choses le soir, en famille ; et puis, un jour, je leur ai parlé des montagnes Rocheuses, et alors on m’a écrit pour me demander conseil !

Dans ma collection, il y a aussi beaucoup de lettres de jeunes gens : ce sont celles qui m’intéressent le plus. À mesure que je m’éloigne de ma jeunesse, je sens mieux quelle vilaine chose est la vieillesse, et j’aime de plus en plus les jeunes gens. Il y en a de charmantes, de ces lettres. Elles me font penser, quand je les relis, à ces cadets de famille de l’ancienne monarchie qui s’en allaient gaiement guerroyer et coloniser partout où le hasard les conduisait, prenant le temps comme il venait, et puis, vers quarante ans, se retiraient dans une petite gentilhommière avec la croix de Saint-Louis et une maigre pension, s’y mariaient et faisaient souche d’enfants qui leur ressemblaient. Ce sont ces hommes-là qui ont fait l’ancienne France à force de bravoure, d’abnégation et d’esprit aventureux. Plus tard, on les a retrouvés faisant le coup de feu derrière les haies de la Bretagne et de la Vendée contre les bandits de la Convention. Ensuite on les a vus reparaître à Castelfidardo et à Mentana : ils s’y préparaient à la journée de Patay. La race n’en est pas éteinte : grâce à Dieu. Seulement, ils ne savent plus que faire, dans un temps où l’on compte sur la savante tactique de groupes parlementaires pour nous tirer du bourbier où nous nous enlisons.