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la brèche aux buffles.

très vraisemblable. Notre-Seigneur, voulant instruire ses disciples, procédait du connu à l’inconnu : il leur parlait d’un fait qu’ils connaissaient ; puis il en tirait la morale. Il est donc fort possible que l’histoire de ce maître de maison de Jérusalem qui, ayant organisé un grand dîner et voyant tous ses invités lui faire faux bond, s’avisa, probablement dans un moment de dépit, d’ouvrir sa salle à manger à tous les vagabonds qu’on put ramasser le long des haies et dans les carrefours, il est très possible, dis-je, que cette histoire soit vraie. Dans ce cas, ce serait le premier exemple connu d’une réception ouverte. J’ajoute que l’expérience n’a pas réussi, puisque le maître de maison en question a été obligés de faire mettre à la porte par ses domestiques l’un des convives dont la tenue laissait par trop à désirer. Seulement, son indignation ne s’explique pas. Quand on recrute comme cela ses invités, on doit prévoir des incidents de ce genre et prendre ses mesures en conséquence. À quelqu’un qui voudrait, de nos jours, tenter la même expérience, je conseillerais vivement d’enfermer son argenterie, de baptiser fortement ses vins et d’avoir des sergents de ville à portée.

J’insiste là-dessus, parce que la troisième république, qui semble avoir le désir d’acclimater chez nous les mœurs américaines, et qui a notamment inauguré l’ère des réceptions ouvertes, ne semble pas se rendre compte des précautions qui rendent ces réceptions possibles de l’autre côté de l’Océan. Jusqu’à présent, elles n’ont été tentées que par nos suaves conseillers municipaux et par M. Grévy. Aux premiers, qui opèrent avec notre argent, il est assez indifférent que, le lendemain de chaque bal, le préposé à l’argenterie constate la disparition d’un grand nombre de petites cuillers, et qu’il faille