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la brèche aux buffles.

Après quelques années d’une union que le Grand Esprit avait bénie en faisant naître dans la tente quatre petits Bois-Brûlés, le ménage vint s’établir dans une ferme des Black-Hills, située à une cinquantaine de milles de Buffalo-Gap, à Hot-Springs. C’est là que j’eus l’honneur d’être présenté à madame Harding, lorsque je vins pour la première fois dans le pays, il y a quatre ans. Quand je la vis, c’était une grande femme assez bien tournée, portant gaillardement un costume composé d’une chemise indienne en peau de daim brodée et d’une jupe très courte en flanelle rouge, qui laissait voir des jambes recouvertes de leggings et des pieds chaussés de mocassins. Elle avait une véritable crinière de grands cheveux noirs qui lui couvraient le dos, une longue plume d’aigle fixée derrière l’oreille, et était toujours accompagnée d’une superbe antilope mâle étonnamment bien apprivoisée. Au demeurant, tout à fait le physique de son emploi de sorcière qu’elle continuait à tenir avec certains profits, car on voyait souvent arriver chez elle des bandes d’Indiens, venus de très loin pour la consulter sur des cas embarrassants. À part ce léger détail, elle jouissait de l’estime de ses peu nombreux voisins et paraissait fort attachée à son mari et à ses enfants.

L’autre jour, j’ai demandé, par hasard, ce qu’était devenu cet intéressant ménage : on m’a raconté une très singulière histoire. Il paraît qu’un beau jour, on ne sait pour quelle raison, M. Harding crut devoir donner à sa moitié une légère correction. Dans les ménages ordinaires américains, ce sont plutôt les femmes qui battent leurs maris ; mais quand les femmes sont Indiennes, il paraît qu’il faut les battre de temps en temps, sans quoi elles estiment qu’on les néglige.