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la brèche aux buffles.

qu’il y a quatre ans, quand j’y suis venu pour la première fois, on en voyait bien plus que maintenant. Aussi je me demande comment nos voisins les Indiens trouvent moyen de vivre de leur chasse. Je m’explique très bien les disettes dont ils souffrent de temps en temps. Les Sioux reçoivent, paraît-il, assez régulièrement les rations de bœuf que le gouvernement américain s’est engagé à leur donner. Aussi se tiennent-ils relativement tranquilles. Mais les petites tribus qui habitent plus à l’ouest, les Yutes ou les Gros-Ventres, par exemple, ont à supporter de temps en temps de véritables famines. Et cependant la vie errante et oisive, malgré toutes les misères qu’elle entraîne, semble avoir pour eux un attrait qui résiste même à de longues années d’une existence civilisée, car on a vu souvent des Indiens retourner sous la tente après avoir passé leur enfance et leur jeunesse dans des écoles.

On m’a conté l’autre jour, à Buffalo-Gap, une histoire qui est un exemple frappant de cette persistance latente d’habitudes héréditaires. Un trappeur, nommé Harding, avait épousé, il y a une vingtaine d’années une squaw indienne. Cela arrive assez souvent aux hommes qui vivent dans la Prairie, car ces unions leur assurent généralement la bienveillance de la tribu à laquelle appartient la jeune personne. Ils en reconnaissent même si bien les avantages, que la plupart en épousent plusieurs. La squaw en question n’était du reste pas la première venue. Elle était ce que les Américains appellent une medicine woman, — expression qu’il faut traduire non pas par femme médecin, mais par sorcière ou prêtresse, — et jouissait, à ce titre, d’une grande notoriété, dont bénéficia naturellement l’heureux mortel dont elle couronna la flamme.