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la brèche aux buffles.

il exprimait ce sentiment. Il se prêtait loyalement à deux essais. Au second raté, il hésitait un instant, retournait la tête d’un air éminemment ironique, et puis recommençait à cut out ; mais si, cette fois-là, le bœuf n’était pas lacé, il partait immédiatement à fond de train, et il n’y avait pas de force humaine qui l’empêchât de rentrer à l’écurie, après s’être débarrassé, si faire se pouvait, de son cavalier.

Du reste, on ne sait vraiment ce qu’il faut admirer le plus de l’adresse des chevaux ou de celle des hommes qui les montent. Un bon cow-boy joue littéralement avec le taureau le plus sauvage comme un chat avec une souris. Lacer un bœuf n’est que l’enfance de l’art si l’on manque les jambes, on a toujours la ressource d’attraper les cornes. Mais on cite des cow-boys qui abattent un bœuf lancé au galop, même sans se servir du lasso. Ils lui prennent la queue, et puis, poussant rapidement leur cheval en avant, ils profitent du mouvement de plongeon que font ces animaux en galopant pour lui faire exécuter une culbute complète, à la suite de laquelle il reste pendant quelques instants les quatre jambes en l’air, tellement abasourdi qu’il n’a même plus la force de se relever.

À peine nos chevaux ont-ils vu ce dont il s’agit qu’ils se mettent à bondir sur place tant ils ont hâte de prendre part à la fête. Je monte justement Queen, une très jolie jument baie que Raymond A… affirme pompeusement avoir dressée tout exprès pour moi. Il n’a pas poussé assez loin son éducation, car j’aime bien les chevaux très tranquilles, et celle-ci a toujours l’air d’avoir un tremblement de terre dans le corps. Pendant que je me débats avec elle, les chevaux de nos docteurs partent, complètement emballés. Je n’étais pas