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la brèche aux buffles.

Ils galopaient dans la plaine, poussant devant eux les isolés qu’ils ramenaient vers le gros du troupeau arrêté sur le flanc d’une colline.

La plupart des bœufs étaient déjà réunis en une masse confuse d’où sortait une rumeur de beuglements désespérés. Ils tourbillonnaient, ne sachant encore quel parti prendre, mais sentant bien qu’il n’était plus question de brouter en paix. Ces chasses-là, les roundups, comme on les appelle ici, ont le don de surexciter. au plus haut point les chevaux de ranchs. Ils s’y comportent absolument comme des chiens de berger, s’acharnant après les animaux qui cherchent à s’échapper, allant au-devant de tous leurs détours qu’ils devinent avec une véritable intuition. C’est surtout lorsqu’il s’agit de lacer un bœuf qu’ils sont merveilleux. L’homme a besoin de ses deux mains : la droite fait tourner autour de la tête le nœud coulant ; la gauche tient, prêts à se dérouler, les plets de la corde de cuir, dont l’extrémité est tournée autour du pommeau de la selle. Le cheval se charge du reste. Dès qu’il a compris de quel animal il s’agit, il commence par le séparer de la bande (cut out), puis se met à galoper par son travers, en se maintenant toujours à bonne distance jusqu’au moment où il voit la corde venir s’enrouler autour des cornes ou des jambes. Alors il s’arrête brusquement, s’arc-boutant de toutes ses forces sur ses quatre jambes pour résister au choc qui va se produire, choc qui le ferait rouler par terre sans rémission s’il ne prenait pas ces précautions. Si l’opération manque par la faute des cavaliers, ils leur témoignent quelquefois très clairement leur profond mépris. Un de nos voisins avait et a probablement encore un cheval nommé Old-Judge, qui était célèbre pour la franchise avec laquelle