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la brèche aux buffles.

majestueuse, que ses sujets mettaient des habits chauds en hiver et frais en été ; il énumérait les rivières qu’il avait traversées pour aller chez eux, les villes où il avait séjourné, et puis c’était tout. Ceux qui voulaient en savoir davantage n’avaient qu’à aller sur les lieux, les autres étaient parfaitement satisfaits, et l’on célébrait en style académique les mérites de l’homme aventureux et observateur auquel on devait ces renseignements si intéressants.

Les explorateurs modernes ont complètement gâté le métier. On a inventé depuis quelque temps une science nouvelle qu’on appelle l’anthropologie. On est anthropologue quand on sait que le nez d’un Esquimau est deux fois plus épaté que celui d’un Cafre, et que, lorsque deux dames, l’une Chinoise, l’autre Botocudo, s’assoient, la place occupée par la première est à la place occupée par la seconde comme 7 est à 5 3/4. Cette science ne peut progresser que grâce à des observations fréquentes et minutieuses ; aussi maintenant ce qu’on demande avant tout à un voyageur, c’est de rapporter les documents nécessaires à l’établissement de ces calculs charentonesques, et comme il fallait donner un nom convenable à l’art de mesurer ces belles choses, on l’a appelé la mensuration.

Et n’allez pas croire que j’exagère. Lisez les voyages de mes camarades Harmand et Brazza. Vous y verrez que tous les rois, reines, princesses et ministres du Cambodge, du Laos et du Congo ont dû, bon gré, mal gré, se soumettre à la mensuration, et que leurs mesures ont été envoyées à l’Académie et à la Société de géographie, où vous pourrez les retrouver inscrites sur de gros volumes, si le cœur vous en dit. Quelle singulière opinion l’insistance dont il a fallu user auprès de ces