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la brèche aux buffles.

terres, c’est-à-dire celles où il poussait le plus d’herbe ; ensuite ses clôtures en ronce artificielle occasionnent constamment des accidents aux bestiaux et surtout aux poulains. Aussi, pour tous les ranchmen, le fermier est l’ennemi commun, et il n’y a pas de mauvais tours qu’on ne lui fasse. Les plus anodins sont de démolir ses clôtures ou de lui emmener pendant la nuit, à trente ou quarante kilomètres, son troupeau, que ce malheureux est ensuite obligé de chercher ce qui lui prend quatre ou cinq jours. Malgré ces moyens plus énergiques que réguliers, quand les terres d’un ranch sont d’une culture facile, les fermiers finissent toujours par arriver en nombre tel, que le ranchman est obligé de plier bagages. C’est ce qui est arrivé encore l’année dernière au Bar T. Ranch, dont le siège était à soixante ou quatre-vingts milles d’ici, dans le Sud, en pleine Prairie. Ses propriétaires avaient trente-cinq mille bœufs, ce qui nécessitait au moins trois cent cinquante mille hectares de parcours. Leurs terres étant excellentes, quand le chemin de fer a été ouvert, il leur est arrivé une telle invasion de fermiers que, malgré une défense héroïque, il leur a fallu se résigner à partir pour le Canada, où le gouvernement anglais, qui cherche à acclimater cette industrie, loue pour vingt ans aux ranchmen des lots de prairie de vingt mille hectares (cinquante mille acres) à raison de douze centimes l’hectare.

Nous serons encore pendant bien longtemps à l’abri de ce danger, car tant que les fermiers pourront trouver dans la Prairie des terres d’alluvion sans une seule pierre, ils se garderont bien de venir casser leurs charrues en défrichant nos collines pierreuses. R… et M… se sont d’ailleurs empressés d’acquérir tous les cours d’eau du pays. Mais une source avait été déjà prise par les