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la brèche aux buffles.

les emplois dans la maison, intervient, armé d’une serviette, et parvient sans trop de peine à décider la plus grande partie de ces charmants animaux à se sauver par les fenêtres qu’on leur ouvre toutes grandes ; puis, pendant qu’il va s’occuper du déjeuner, je m’attarde à regarder le paysage.

Devant moi s’étend une plaine triangulaire très étroite à son sommet. Elle descend en pente douce, contenue entre deux rangs de collines, couvertes d’une herbe jaunâtre, qui vont en s’écartant l’une de l’autre, jusqu’à ce qu’elles soient coupées brusquement, à six ou sept kilomètres d’ici, par la chaîne de petites montagnes que nous avons traversée hier en venant de Buffalo-Gap. Derrière ces montagnes, je distingue la grande prairie, encore toute couverte d’une ombre bleue qui donne d’une façon étonnante l’illusion de la mer. Sur cette masse sombre, dont ils sortent par endroits pour se détacher sur le ciel encore tout pâle, les bords dentelés de ces collines, éclairés par les rayons obliques du soleil levant, se détachent avec une netteté admirable.

Au fond de la vallée serpente le Lame Johnny creek, indiqué par les touffes vertes des chênes et des peupliers rabougris qui poussent dans son lit. Dans tout cela rien qui rappelle cette impression de fraîcheur et de bien-être qu’on ressent chez nous en parcourant la campagne par une matinée d’été. Le soleil est déjà très ardent : le thermomètre marque vingt-cinq degrés. Nulle part il ne trouve une goutte de rosée à faire briller, car dans ce pays il n’y a jamais de rosée. Je n’ai jamais pu comprendre pourquoi. Cette herbe jaune et sèche, cette absence d’arbres et de buissons, donnent à tout le paysage une teinte d’aridité et de tristesse qui produit un véritable malaise.