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la brèche aux buffles.

kilomètres de marche dans la vallée relativement large où nous nous trouvons, nous la voyons tout d’un coup se rétrécir : nous contournons ensuite une sorte de promontoire rocheux qui la bouche presque entièrement. De l’autre côté, le paysage change complètement d’aspect. Nous sommes maintenant au pied des montagnes. À cinq ou six cents mètres devant nous, des bouquets de sapins superbes couvrent le flanc et le sommet des collines, dont les reliefs s’accentuent de plus en plus. Tout en haut de ce pays, on voit commencer la forêt, qui, dans le lointain, a une couleur noire d’une intensité vraiment étonnante. Devant nous, autour d’une petite pièce d’eau qui brille au soleil, nous voyons les toits rouges de sept ou huit grands bâtiments, un potager plein de fleurs et de légumes, et puis, à gauche, une maison à deux étages faite de gros troncs de sapins superposés. D’énormes massacres d’élans surmontent toutes les fenêtres de la façade, et devant la porte, A… et D… qui ont pris les devants, nous attendent pour nous souhaiter la bienvenue, un peu émus et tout fiers de nous recevoir dans cette maison qu’ils ont bâtie eux-mêmes, et au milieu de cette abondance qui est le résultat de tant de travail et de courage !

Dans l’après-midi, nous faisons subir naturellement à nos hôtes l’inévitable promenade du propriétaire. Nous avons cette excuse que nous ne voulons pas les laisser sur l’impression qu’ils ont dû conserver de leur voyage de ce matin. Un grand pré jaune de vingt ou vingt-cinq kilomètres excite toujours l’enthousiasme des gens de ce pays-ci, parce qu’ils calculent tout de suite le nombre de chevaux ou de bœufs qu’on peut y lâcher. Mais, pour des touristes, ces considérations utilitaires ont moins d’intérêt.