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la brèche aux buffles.

mente, ils s’aperçoivent qu’ils ont à faire face aux mêmes problèmes que nous. Et ils ne les résolvent certainement pas mieux que nous.

En somme, le marché du travail est presque aussi encombré en Amérique qu’en Europe. Il n’en était pas de même il y a quelques années. Il y a trois ou quatre ans encore, il avait une élasticité extraordinaire. Les grandes industries de l’Est s’arrachaient littéralement les arrivants. Ils prenaient dans les manufactures la place des Américains, qui, eux, allaient défricher les terres de l’Ouest. Ces beaux jours sont finis.

Un émigrant qui ne peut compter que sur son travail a donc bien peu de chance de réussir, au moins pour le moment. Il n’en est pas de même s’il dispose de quelques capitaux et si, sans s’attarder dans l’Est, il pénètre tout de suite dans les régions peu peuplées de l’ouest du Missouri. Les capitaux y sont encore très rares. À la condition d’employer les siens judicieusement, on peut donc espérer tirer un gros revenu de ceux qu’on y apporte. Malheureusement, le nombre des industries y est bien limité. Jusqu’à présent, il n’y a guère que les ranchs. Ceux de bestiaux viennent de passer par une crise terrible. Tous ceux qui opéraient avec des capitaux empruntés, et il y en avait beaucoup, ont sombré. Ceux qui ont résisté ont, je crois, un bel avenir devant eux. Nos compatriotes semblent avoir été particulièrement heureux. Dans le Montana et le Dakota, il y avait, à ma connaissance, cinq grands ranchs de bestiaux appartenant à des Français. L’un d’eux est en déconfiture, mais c’est parce que son directeur a voulu spéculer ; un autre a changé de mains : c’est un Français qui l’a racheté. Les trois autres sont en pleine prospérité.