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la brèche aux buffles.

Ou bien qu’il se contente d’un salaire inférieur à celui que reçoivent, dans les pays où il va, les gens qui exercent des professions similaires.

Or, en ce moment, il existe en Amérique une crise terrible sur les salaires, due précisément, en grande partie, au million d’émigrants qui y arrivent chaque année. J’ai vu à Chicago un défilé de trente-cinq mille ouvriers sans travail, presque tous Allemands ou Autrichiens. Il est même bien intéressant de voir une république aux prises avec les problèmes que les organes républicains ont tant reproché aux monarchies de n’avoir pas résolus. À ces ouvriers sans travail et demandant du pain, on a répondu en les mitraillant. La liberté de la presse et la liberté de réunion, ces deux palladium — il faudrait peut-être dire palladia — de la constitution américaine, ont été aussi maltraitées l’une que l’autre. Sur les sept anarchistes condamnés à mort à la suite des troubles de Chicago, il y en avait un, à la rigueur, qui pouvait être considéré comme convaincu d’avoir jeté une des bombes qui avaient tué des policemen ; les autres étaient simplement des journalistes ou des orateurs auxquels on reprochait des articles ou des discours incendiaires. Je trouve qu’un journaliste qui excite à brûler un monument est tout aussi coupable que ceux qui suivent ses conseils, et j’estime que si l’un est condamné, l’autre mérite de l’être également comme complice. Mais je ne suis pas Américain, et je ne reproche pas toujours aux autres de ne pas assez respecter les droits primordiaux de l’humanité. La vérité est que si les Américains ont pu, pendant bien longtemps, supporter toutes ces libertés, c’est qu’ils étaient très peu nombreux dans un très grand pays. À mesure que leur population aug-