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la brèche aux buffles.

de la victime. Tout semblait donc terminé, et Tue son ennemi pendant la nuit se considérait, avec raison, comme étant complètement en règle avec la société des Gros-Ventres la seule probablement dont il se souciât.

Malheureusement pour lui, il avait compté sans une des nombreuses bizarreries des lois américaines. Les shérifs n’ont pas d’appointements réguliers. Ils ont seulement des honoraires. Ainsi l’arrestation d’un criminel leur rapporte une certaine somme : de plus, on leur paye dix sols par mille qu’ils ont fait en poursuivant ledit criminel ; mais, chose assez bizarre, les dépenses du retour sont à leur compte. Au point de vue particulier auquel se placent les shérifs, l’art d’arrêter un criminel est donc assez délicat. Si l’arrestation a lieu tout près de la prison, les honoraires ne valent pas le déplacement. Si on l’arrête au loin, on touche d’assez beaux honoraires, mais ils sont mangés par les frais de retour. Le grand art, c’est de suivre le criminel pendant des jours et des semaines, de lui faire faire une immense randonnée, puis de le rabattre du côté de la prison et de ne le mettre en état d’arrestation que devant la porte de cet établissement. À première vue, il semble difficile de remplir ce programme : cependant cela arrive assez souvent, car les criminels, pour peu qu’ils soient insolvables et qu’ils aient l’espoir de se sauver avant le jugement, se prêtent assez volontiers à cette combinaison, à condition d’avoir une part dans les bénéfices.

Pour Tue son ennemi pendant la nuit, on eut recours à un autre procédé. Un député-shérif se procura un mandat contre lui, puis il se présenta à son wigwam, lui proposa une partie de chasse, l’entraîna dans une « cité », de celle-là dans une autre, on le fit boire