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la brèche aux buffles.

quatre coins de la ville et scalperaient tout le monde ! Et ils sont bien capables de le faire ! Hier au soir, huit ou dix personnes sont déjà parties par le train ! C’est cela qui va donner de la valeur aux terrains ! ajoute douloureusement mon interlocuteur, qui mâche sa chique avec fureur, signe positif de graves préoccupations, dans ce pays.

Je lui ai débité les quelques banalités polies que m’ont semblé comporter les circonstances, et puis je suis allé vaquer à mes affaires, en recommandant bien à Raymond de ne pas envoyer un seul boy du côté de Buffalo-Gap tant que l’émotion ne sera pas calmée. Que les Américains se livrent entre eux au libre jeu de leurs institutions, ils sauront toujours bien se tirer d’affaire : mais si des étrangers s’y trouvaient mêlés en quoi que ce fût, ce sont eux qui payeraient les pois cassés. Du reste, il est facile de deviner ce qui arrivera. On finira par mettre en prison quelqu’un ; puis, une belle nuit, une centaine de cow-boys arriveront ; ils s’empareront de la prison après une résistance simulée du shérif, et pendront leur homme au poteau du télégraphe le plus voisin. C’est toujours ainsi que les choses se passent.

Cependant, il me semble que depuis quelque temps on entend un peu moins parler de lynchages qu’autrefois. Cela tient peut-être à ce que les cities ayant toutes à présent des court houses et des écoles superbes, on se met maintenant à construire partout des prisons très perfectionnées qui rendent plus difficile l’enlèvement des prisonniers. Jusqu’à présent, celles de ce pays-ci se composaient invariablement d’une enceinte de gros pieux de sapin fermée par une porte de coffre-fort et entourée d’un chemin de ronde dans lequel