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la brèche aux buffles.

gars Cénéry ! J’étions point comme lui à son âge !

Un instant après, il me montrait ce petit bout d’écrit : le pays où son fils, un garçon de vingt-deux ans, était allé au petit bonheur, sans autre renseignement qu’un bruit recueilli sur un champ de foire, c’était Buenos-Ayres !

Ce qu’il faut noter, c’est que ces voyages ont une excellente influence sur tous ces jeunes gens. Cela leur ouvre l’intelligence ; ils voient ce que c’est qu’une vraie république et reviennent tous réactionnaires enragés.

Le gars Sosthène s’est exprimé à peu près dans les mêmes termes que son compagnon. Cependant une de ses sœurs se marie en novembre, et il voudrait bien aller à la noce. Il est donc décidé qu’il va repartir : je crois qu’il s’est laissé effrayer par le froid de l’autre jour. J’avoue que je le comprends jusqu’à un certain point, et que je ne conçois pas comment les cow-boys peuvent y résister. Raymond me disait que, l’année dernière, il avait eu un jour l’imprudence d’approcher un clou de ses lèvres : il fut obligé d’arracher la peau quand il voulut le retirer. Lorsqu’on bride un cheval, il faut mettre le mors pendant quelques instants dans de l’eau chaude avant de l’introduire dans la bouche. Il n’est pas très rare de voir des cow-boys mourir de froid. Jusqu’à −30 °, ils continuent leur service ; mais quand le thermomètre descend plus bas, personne ne sort plus. Les animaux se tiennent immobiles au fond des vallées, ne cherchant même plus à manger. Ils vivent de leur graisse. Aussi ceux qui sont maigres au commencement de l’hiver meurent-ils infailliblement.

Du reste, ce n’est pas seulement dans le Far-West qu’on a à supporter des températures aussi invraisemblables, c’est dans tout le nord des États-Unis. Un de