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la brèche aux buffles.

et ne m’a pas caché que cet article serait sévère pour la cuisine américaine.

Je reprends maintenant mon récit interrompu par ces trop longues digressions.

Le train s’arrête enfin à la station de Buffalo-Gap. Notre wagon est aussitôt envahi par A…, M… et D…, les trois foremen français du ranch, qui nous accueillent avec une joie très communicative. Leurs pantalons indiens en cuir fauve, garnis de franges sur les coutures, leurs feutres bossués à la don César de Bazan et leurs gros revolvers Colt pendus au côté, leur donnent une couleur locale qui ravit nos docteurs. Il y a là aussi, sur la plate-forme, une demi-douzaine de citoyens proéminents de Buffalo-Gap, avec lesquels nous échangeons de vigoureuses poignées de main ; puis on se met en route le long de la première avenue pour aller déjeuner au Commercial hotel avant de se mettre en route pour Fleur de Lis.

J’ai déjà décrit les hôtels du Far-West. Le Commercial hotel ressemble à tous les autres. Au moment où nous entrons dans la salle à manger, je retrouve les tables recouvertes de nappes rouges très sales les innombrables petits plats remplis de choses innommées, entassés devant chaque convive, toute cette mise en scène qui laisse de si douloureux souvenirs chez tous les voyageurs aux États-Unis ! Les docteurs s’arrêtent hésitants, en percevant l’odeur atroce de lard grillé qui vous prend à la gorge. Heureusement, une idée lumineuse traverse mon esprit au moment où le directeur de l’hôtel accourt vers moi en s’écriant : How are you ! baron ! Glad to see you !

— Colonel Flynn, lui dis-je, — est-il nécessaire de dire que notre hôte est colonel ! — je vous présente au