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la brèche aux buffles.

qu’il ne fallait plus essayer de fuir. Il fit tête tout de suite à la meute. Dressé d’au moins vingt ou vingt-cinq centimètres, sifflant avec fureur et agitant ses grelots, il attendait bravement l’attaque, la gueule largement ouverte. Marat, de son côté, s’était arrêté brusquement, le corps replié en arrière, tous les poils de son dos hérissés : son petit œil lançait des flammes. Derrière lui, la truie immobile également, ses petits entre les jambes, grognait sourdement comme pour l’encourager.

Ce ne fut pas long. Tout à coup, Marat bondit en avant : ses deux pieds retombèrent sur le corps du serpent, qui tomba les reins brisés. Je crois qu’il avait eu le temps de mordre son adversaire au col, mais le venin se fige dans la graisse des cochons et ne produit aucun effet.

La minute d’après, toute la petite famille était attablée ; je suis fâché d’être obligé de dire que, dans l’ivresse de son triomphe, Marat paraissait disposé à tout garder pour lui. Mais Théroigne, bonne mère, se chargea de le ramener bien vite à de meilleurs sentiments. Elle commença par bourrer ce père dénaturé deux ou trois fois, puis elle s’adjugea une bonne moitié du serpent, en découpa quelques tronçons qu’elle distribua à ses petits, et commença à manger elle-même avec le plus bel appétit. Au bout de cinq minutes, il n’en restait rien.


C’est aussi dans l’après-midi que les deux gars normands s’occupent un peu du jardin, sous l’œil bienveillant des cow-boys, qui jamais ne s’aviseraient de les aider. Je suis toujours stupéfait quand je vois tout ce qui sort de ce malheureux jardin à peine soigné, dans lequel on ne met jamais de fumier, et qu’on s’est