Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.
172
la brèche aux buffles.

dait pour aller faire un petit tour dans le Canada avant de retourner en France.

« Eh bien, lui dis-je, êtes-vous contente des résultats obtenus ? Comment va le maillot ?

— Le maillot ? Ah ! il va bien mal, le maillot !

— Ah ! vous m’affligez. Comment ! la bonneterie est dans le marasme ? Serait-elle atteinte, elle aussi, par la crise agricole ? L’agriculture manque de bras ; cela, c’est connu ; mais je n’ai jamais ouï dire qu’elle manquât de jambes, et tant que les jambes restent, il y a de l’espoir pour la bonneterie ! »

Madame Louise Taboureau voulut bien rire un peu de cette très médiocre plaisanterie.

« Je vous ai dit que le maillot n’allait pas : les bas non plus ne vont pas. Notre domaine incontesté, c’était le maillot ! Pour les bas, nous avons toujours eu beaucoup de peine à lutter contre les Anglais ! Mais ce sont les chaussettes pour dames qui vont ! Si j’en avais eu trois fois plus, je les aurais toutes vendues.

— Comment ! les chaussettes pour dames ? m’écriai-je. Les dames portent des chaussettes ?

— Mais vous ne lisez donc pas les journaux ? Moi, je les lis, et bien m’en a pris. Deux mois avant de partir, j’ai lu que madame X… Vous connaissez madame X… ?

— Vaguement.

— Eh bien, j’ai lu que madame X…, la grande élégante madame X…, ne portait plus que des chaussettes. Tous les chroniqueurs ne parlaient que de cela. Cela a été, pour moi, un trait de lumière. J’ai couru chez mon patron et lui ai dit : « Faites-moi des chaussettes, faites-m’en de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ! je ne veux, cette année, emporter en Amérique