Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
154
la brèche aux buffles.

ont envoyé tout ce qui leur restait. Il en est résulté, sur le marché de Saint-Louis et de Chicago, une affluence de sept ou huit cent mille bêtes en sus des prévisions : et cela a suffi pour faire baisser les prix de moitié environ. La viande, qui se vendait l’année dernière 10 ou 12 sous la livre, se vend maintenant 6 sous et souvent beaucoup moins.

Chez nous, les prix ont baissé presque dans les mêmes proportions, et à peu près vers les mêmes époques. Est-ce l’effondrement du marché américain qui a provoqué cette baisse ? Il me paraît certain qu’il y a contribué. L’avilissement des prix du blé a eu pour effet de développer chez nous l’élevage dans une énorme proportion. Malheureusement, la surproduction de viande qui en est résultée a précisément coïncidé avec un appauvrissement de toutes les classes de la population, dont l’effet immédiat a été de diminuer la consommation. Ce phénomène n’est pas très sensible dans les villes, car en France l’ouvrier n’aime pas économiser sur sa nourriture. Mais il n’y a qu’à consulter les bouchers de campagne pour se rendre compte que, dans la plupart des provinces, et en ce qui concerne les paysans, la consommation de viande a diminué de plus de moitié depuis deux ou trois ans.

Si nous avons trop d’herbages, nous ne pouvons assurément nous en prendre qu’à nous et à notre charmant gouvernement, qui, libre-échangiste jusqu’aux moelles et se voyant cependant acculé à la protection par la force même des choses, n’a cependant voulu la donner qu’à dose infinitésimale et a espéré gagner du temps en persuadant aux agriculteurs que, pour remédier à leur détresse, il leur suffisait de modifier leur industrie. Dans mon département, notamment, pendant tout un