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la brèche aux buffles.

Platte ; tandis que les bandes de chevaux ne quittaient jamais leurs cantonnements. Maintenant il n’existe pour ainsi dire plus de buffles. Les bœufs n’ont pas l’instinct d’émigrer. D’ailleurs, ils ne le pourraient pas, car ils seraient arrêtés par les lignes de chemins de fer. Ils sont donc obligés de rester en toute saison dans les mêmes pâturages. Quand les grands froids surviennent au moment où la neige couvre le sol, ce qui est heureusement, du reste, assez rare, ils souffrent donc beaucoup. D’ordinaire, cependant, les pertes ne dépassent guère 7 ou 8 pour 100 ; mais cette année, toutes les plus mauvaises conditions se sont trouvées réunies. Comme disent les Normands, pour qu’un bœuf profite, il faut qu’il ait de la nourriture en abondance et qu’il ne soit pas dérangé. Or, l’afflux des émigrants a été tel que sur certains points les ranchmen se sont vu enlever leurs meilleurs pâturages. Il aurait fallu ou bien aller chercher un ranch au loin dans un pays plus désert, ou bien diminuer le nombre de ses animaux. Généralement, on n’a fait ni l’un ni l’autre. De plus, beaucoup de ranchmen ne disposaient pas de capitaux suffisants. À chaque instant il leur fallait de l’argent, et, pour s’en procurer, ils étaient obligés d’envoyer des bœufs à Chicago. Il fallait les choisir. Les autres étaient donc constamment dérangés et fatigués par des round-ups incessants.

Les grands froids surprenant les troupeaux dans d’aussi mauvaises conditions, la mortalité a été effrayante. Au commencement de l’hiver de 1886-1887, les membres du syndicat des ranchmen du Wyoming et du Dakota-sud possédaient environ deux millions de bœufs, valant 60 millions de dollars. Au printemps, il ne leur en restait plus qu’un million,