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la brèche aux buffles.

pour parler plus exactement, avait plusieurs cordes à son arc, car elle possède, en outre de ses chevaux, un ranch de bestiaux dont le centre est à une vingtaine de milles d’ici et où elle a eu jusqu’à trente-cinq mille bœufs. Mais les temps sont durs pour les propriétaires de cattle-ranchs. Comme les fermiers, mais pour des causes différentes, ils subissent une crise terrible dans laquelle beaucoup ont déjà sombré et à laquelle ne pourront résister que ceux qui ont les reins très solides. Cette crise a été occasionnée par les pertes que leur ont fait subir les froids tout à fait exceptionnels de l’hiver dernier. Dans le nord du Dakota, le thermomètre s’est tenu pendant plusieurs semaines aux environs de quarante degrés. Ici, la température a été moins rigoureuse, mais cependant, à Fleur de Lis, en février et en mars, la moyenne était de trente environ. Quand il n’y a pas de neige, les bœufs résistent à merveille aux froids les plus intenses ; mais quand il y en a, et c’était le cas cette année, ils meurent comme des mouches, parce qu’ils ne peuvent plus trouver à manger. Les chevaux, au contraire, résistent infiniment mieux, grâce à la conformation de leur sabot, qui leur permet de gratter la neige, quelque profonde et quelque dure qu’elle soit, pour trouver le buffalo-grass qui leur sert à peu près exclusivement de nourriture pendant l’hiver. Du reste, cette différence d’aptitudes était bien indiquée par les mœurs des buffles et des chevaux qui vivaient encore, il y a peu d’années, à l’état sauvage dans ce pays. Dès que les premières neiges tombaient, les immenses troupeaux de buffles qui avaient passé l’été dans les prairies du Nord se mettaient en marche vers le Sud. Pendant l’hiver, on ne trouvait plus un seul de ces animaux au nord de la