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la brèche aux buffles.

My dear ! a-t-elle dit, je suis moi-même très choquée (I feel quite shocked !) quand j’entends Bessie jurer comme elle le fait. Mais permettez-moi de vous faire observer que vous-même ne pouvez prononcer quatre mots sans y intercaler un juron. Or jamais je ne me permettrai de dire à mon enfant qu’il est mal de faire une chose que fait son père !

Madame Log sacrifie peut-être un peu trop le quatrième commandement au second : mais, en définitive, il vaut encore mieux n’en observer qu’un que de n’en pas observer du tout.

Il n’y a qu’un lit dans la maison. Le colonel, qui est l’hospitalité même, — notez qu’il est du Sud, — ce n’est pas un Yankee, — a tenu à toutes forces à me le donner. Lui et Raymond ont couché par terre, enveloppés dans des couvertures. Le matin, après une toilette sommaire, nous sommes descendus pour le déjeuner que nous a préparé la femme d’un cow-boy. Le colonel a pu se procurer une ménagère. C’est, du reste, le seul luxe qu’il se soit offert dans la petite maison en bois qu’il habite. Elle est construite sur une éminence, ce qui permet avec une bonne lorgnette de voir de très loin les troupeaux de juments : mais tout ce que je vois, ou plutôt ce que je ne vois pas, me fait constater une fois de plus combien peu les Américains s’attachent aux lieux qu’ils habitent. Chez nous, un cantonnier de chemin de fer cherche à enjoliver sa maison, quand même il ne devrait y passer que quelques mois. Il fait un petit jardin ; il plante quelques arbres. Voilà huit ou dix ans que le colonel passe presque tout son temps ici, et si un incendie venait détruire la maison, l’écurie et les deux ou trois piquets qui servent à attacher les chevaux, il ne resterait que