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la brèche aux buffles.

était absent. Ils tuèrent ses frères pour avoir leurs scalps, brûlèrent la maison et s’emparèrent des chevaux et des bœufs. Le chef, trouvant la jeune femme à son gré, la mit sur un poney et l’emmena avec lui. Leur camp se trouvait à cinq ou six journées de marche, près des sources de la Big-Horn. Quand l’expédition y arriva, le chef confia la garde de sa captive à ses femmes. Celles-ci, qui avaient envie de célébrer l’heureux retour de leur seigneur et maître par une petite fête, lui demandèrent la permission de la brûler vive. Le chef refusa ; il avait pris goût à sa prisonnière : mais, pour les apaiser, il leur fit cadeau de tous les vêtements qu’elle portait ; il fut convenu aussi qu’elles pourraient la battre de temps en temps, mais à la condition de ne pas lui faire trop de mal.

C’est un parent de madame Ericksen, avec lequel j’ai voyagé en chemin de fer, qui m’a donné tous ces détails. Il dit qu’elle a conservé un très mauvais souvenir de sa captivité. On était au commencement de l’été, il faisait déjà chaud, de sorte qu’elle s’habitua sans trop de peine à la privation de ses vêtements ; mais, tous les matins, il lui fallait sortir devant la tente, et là, les vieilles femmes et les enfants ne manquaient guère de lui donner quelques coups de bâton pour se divertir. Dans la journée, on l’employait à faire la cuisine ou le ménage. Du reste, le gibier étant abondant, on la nourrissait assez bien.

Au bout de deux ou trois mois, un chef crow qui passait par là la trouva à son gré, et proposa au chef gros-ventre de la lui acheter. Après de longs pourparlers, celui-ci finit par la lui céder pour huit poneys. Au camp des Crows, on ne lui donna toujours pas d’habits, mais on ne la battait pas ; la vie y était en somme