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la brèche aux buffles.

Le brave homme ne paraît pas du reste s’en douter :

Good ? me dit-il sur un ton d’interrogation quand je lui rends son papier.

Very good, ai-je répond d’un air protecteur.

Il nous fait alors faire quelques pas à travers les buissons, et nous nous trouvons tout d’un coup au milieu du campement indien classique. Un grand feu de bivouac éclaire quatre tentes, devant lesquelles une vingtaine de squaws et d’enfants, accroupis en cercle, surveillent avec une attention sympathique le contenu d’une grande marmite qui mijote en laissant échapper une odeur qui n’a vraiment rien de déplaisant.

Comme personne n’a l’air de s’occuper de nous, j’ai tout le temps de contempler ce spectacle. Une grande femme, tout enveloppée d’une étoffe rouge, avec de longues tresses de cheveux noirs qui pendent sur son dos, écume gravement le bouillon au moyen d’une immense cuiller à pot en bois. Le colonel m’apprend que cette dame est ni plus ni moins que madame Puce dans les cheveux no 1. Il me montre le no 2, représenté par une petite personne couleur vieil acajou qui, à l’entrée d’une tente, se sert de la clarté du foyer pour mettre la dernière main à une superbe paire de mocassins destinés évidemment à son seigneur et maître, car ils sont brodés sur toutes les coutures avec amour et ornés de petites houppettes qui sont bien jolies, mais qui doivent être bien gênantes quand on marche. Heureux Puce dans les cheveux ! qui a su choisir des compagnes ayant des aptitudes aussi variées et répondant aussi bien à tous ses besoins. Voilà les avantages de la polygamie, et c’est peut-être parce qu’elle constitue un cas pendable dans notre pays que tant de ménages y tournent