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la brèche aux buffles.

son acheteur un déjeuner qui lui aurait coûté deux louis. Dans nos campagnes, un marché se double toujours d’une fête quelconque. Ici, on a l’esprit uniquement tendu vers le but à atteindre, qui est de gagner le plus de dollars possible. C’est une bien singulière manière d’entendre l’existence.

L’accueil inhospitalier du ménage Mac Mahon a pu faire souffrir notre amour-propre, mais, au point de vue matériel, nous y avons certainement gagné ; car le sac aux provisions de François, malgré le rude assaut qu’il a eu à subir hier, contient encore des ressources plus que suffisantes pour nous improviser un déjeuner qui a été vivement apprécié. Quand nous avons eu terminé notre réfection et que nos chevaux ont eu bu tout à leur aise dans l’eau rouge du creek voisin, auquel cette couleur a valu le nom de Bloody creek, nous avons secoué la poussière de nos bottes sur cette terre inhospitalière, que nous avions semée de carcasses de poulets, et, mettant le cap sur le Nord, nous avons commencé la dernière étape de notre voyage sur Rapid-City.

Selon mon habitude, j’avais déjà pris une notable avance sur mes compagnons, et je calculais avoir fait environ la moitié de mon chemin, lorsqu’il m’est arrivé une aventure assez extraordinaire.

Je venais d’escalader au pas une petite colline assez raide, lorsque tout à coup, en arrivant au sommet, je me suis trouvé face à face avec un homme que je n’avais pas vu plus tôt parce qu’il montait de l’autre côté. C’était un grand gaillard très maigre, d’une cinquantaine d’années, ayant de longs cheveux grisonnants qui lui tombaient dans le dos, et sur la tête un grand chapeau de cow-boy qui avait vu des jours meilleurs. Il portait des pantalons indiens en cuir fauve auxquels le