Page:Mandat-Grancey La brèche aux buffles - 1889.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
la brèche aux buffles.

men cet estimable Irlandais. Il faut reconnaître d’ailleurs que l’hospitalité n’est pas une vertu américaine. Il paraît que dans le Sud elle se pratique sur la grande échelle. Mais chez le véritable Yankee, et surtout chez le fermier yankee,

Elle se vend toujours, et ne se donne jamais,
Non, non, non, jamais !


comme il est dit à peu près dans la Dame blanche. L’inhospitalité des gens de ce pays-ci est quelque chose de phénoménal. L’année dernière, un de nos cow-boys, surpris en pleine nuit par une tourmente de neige, arrive à moitié mort de froid devant l’écurie d’une ferme. Le fermier ne consentit à la lui ouvrir qu’après avoir reçu un dollar. Et ce n’est pas seulement dans les pauvres fermes de l’Ouest que les choses se passent ainsi les plus grands fermiers de l’Est n’agissent pas autrement. L’année dernière, Raymond A… et D… ont passé quelques semaines dans l’Illinois, occupés à former une bande de juments qu’ils voulaient amener au ranch. Ils s’étaient installés à Ottawa, qui est un des plus grands centres d’élevage du pays. Tous les éleveurs des environs leur écrivaient pour leur demander de venir voir les animaux qu’ils avaient à vendre. Souvent il leur fallait faire des courses très longues, et quand ils arrivaient, ils se trouvaient dans une ferme isolée, loin de toute espèce d’hôtel ou de restaurant. Jamais on ne leur offrait à déjeuner. On ne les faisait même pas entrer dans la maison d’habitation. En pareille conjoncture, un fermier du Perche se serait peut-être débattu pendant deux heures pour une différence d’une pistole sur un marché de 2 ou 3 000 francs, mais il aurait tenu à honneur d’offrir à