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la brèche aux buffles.

En arrivant au campement, j’y trouve Raymond et les cow-boys écumants de fureur. On m’explique que M. Mac Mahon, qui, lorsque ses affaires l’appellent du côté de Fleur de Lis, ne manque jamais de se faire héberger, lui et ses bêtes, deux ou trois jours de suite, s’est enfermé dans son logis quand il a vu venir Raymond, et que c’est même à grand’peine qu’on a pu obtenir de lui un seau pour faire boire les chevaux. À ce moment, survient un cow-boy d’un ranch du voisinage, qui se fait raconter la chose par ses collègues :

D… mean set, those grangers ! dit-il quand il s’est rendu compte de la situation. Tous des ladres, ces fermiers ! mais celui-ci est le pire de tous. L’autre jour, un de nos chevaux est entré dans son jardin par une brèche de la clôture. Il l’a enfermé dans l’écurie et a fait dire à notre boss qu’il demandait vingt dollars de dommages-intérêts.

— Et le boss les a payés ?

— Lui ! pour qui le prenez-vous ? Il est arrivé ici avec deux boys, moi et un autre : nous sommes allés droit à l’écurie sans nous inquiéter du propriétaire : elle était fermée ; nous avons tiré un coup de revolver dans la serrure, et nous avons repris le cheval. Mais ce n’est pas tout ! En nous en retournant au ranch, nous avons rencontré une douzaine de vaches laitières de la ferme. Nous les avons poussées (drive) devant nous, pendant une trentaine de milles, jusque dans la réserve indienne. Si Mac Mahon les revoit jamais, il aura de la chance ! Les Sioux ont déjà dû les manger. Good bye, gentlemen !

Et notre nouvelle connaissance repart au galop.

J’avoue que cette petite anecdote me fait comprendre le peu de sympathie que semble avoir pour les ranch-