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la brèche aux buffles.

débuts ont été très heureux. Les cow-boys étaient tout disposés à les traiter de tenderfoot, ce qui est une expression de suprême mépris : seulement l’autre jour, quand le convoi est arrivé à Buffalo-Gap, il s’est trouvé qu’un des boys a voulu monter précisément un cheval qui est une véritable bête féroce : celui-ci a commencé par le jeter par terre et a bien failli l’assommer d’un de ces coups de pied de devant qui leur sont familiers et qui sont si dangereux : c’est un des gars qui l’a tiré d’affaire. Le lendemain, pendant le dîner, nous entendons tout à coup des cris et des jurons dans la salle où les hommes mangeaient. Nous y courons, et j’arrive juste pour voir le gars Sosthène, un colosse blond de six pieds, qui venait de cueillir par la ceinture un petit cow-boy qui s’était amusé à lui fourrer dans le col un chardon, et l’envoyait rouler devant la porte, à trois ou quatre pas, avec une aisance telle, que tous les rieurs se sont mis immédiatement de son côté. Aujourd’hui, je constate avec plaisir que les rapports semblent continuer d’être excellents, et je commence à espérer que l’expérience réussira.

On ne vieillit pas à table, dit un très sage proverbe normand. Le pâté n’est plus qu’une ruine ; des poulets qui le flanquaient, il ne reste que des carcasses dénudées, et cependant il semble que nous ne faisons que d’arriver. Mais il faut partir, car il est déjà deux heures, et nous avons encore une trentaine de kilomètres à faire avant d’arriver à Hermosa, où nous devons passer la nuit.

Je prends les devants avec Mahdi. Je ne peux pas m’égarer, car je n’ai qu’à rester en vue de la ligne du chemin de fer. Nous contournons les Foot-Hills, dont les dernières ondulations viennent se perdre sous le