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compère le constructeur, qui, d’un trait de scie, lui coupait la longueur voulue ; on obtenait ainsi une sorte de cylindre auquel on ajustait, tant bien que mal, un avant et un arrière ; on lançait le résultat sur le canal le plus voisin, et la Hollande comptait une galiote de plus. Je crois, en mon âme et conscience, que les Américains ont adopté un système analogue pour la construction de leurs bâtiments ruraux, tant ils se ressemblent comme largeur et hauteur : la longueur seule diffère. Du reste, cela a un avantage : quand on s’ennuie quelque part, on coule des glissières sous sa maison et on l’emmène un peu plus loin ; j’ai vu, l’autre jour, faire cette opération dans un faubourg de New-York.

À onze heures, nous arrivons à Philadelphie : La ligne traverse ensuite un pays légèrement accidenté, qui nous semble bien supérieur, comme développement agricole, à ce que nous avons vu jusqu’à présent. Nous apercevons de tous côtés de nombreux bâtiments de ferme : quelques-uns bâtis en pierre ou en brique. Les herbages et les prés ont aussi l’air plus soigné. Par moments, on se croirait dans une campagne française ou anglaise, tant les habitations sont rapprochées. Mais l’absence de tout jardin bien cultivé auprès des maisons et de toute route entretenue est toujours remarquable. Les clôtures sont aussi bien extraordinaires ; elles se composent invariablement de douze ou quinze gros baliveaux maintenus l’un sur l’autre par quatre piquets et séparés, à chaque extrémité, par d’autres en nombre égal qui font avec les premiers un angle de vingt-cinq ou trente degrés. Au lieu d’être clos simplement par une haie ou par des lisses, le champ se trouve entouré, de la sorte, d’un véritable mur en zigzag, dont la construction coûte probablement très peu de chose comme main-d’œuvre, mais absorbe une quantité de bois formidable, et doit faire saccager toutes les forêts du voisinage. Du reste, le gaspillage de bois qui se fait dans ce pays est incroyable. Nous traversons plusieurs massifs boisés sans voir les traces d’un aménagement quelconque. Nulle part il ne reste un bel arbre debout.

Nous sommes, paraît-il, dans la partie la plus peuplée et la mieux cultivée de la Pennsylvanie et même des États-Unis. Beaucoup des villages et villes que nous traversons existaient, et même étaient déjà florissants au dix-huitième siècle. C’est dans cette région que se sont livrés les principaux combats de la guerre de l’Indépendance, entre insurgents et royalistes. À deux heures nous arrivons à Harrisburg, une jolie ville de trente mille habitants, autrefois la capitale de l’État. Indépendamment de ses richesses agricoles, ce pays-ci est un grand centre métallurgique. À chaque instant nous voyons des hauts fourneaux d’une importance considérable, autour desquels de véritables petites villes se sont formées. Nous traversons la Susquehannah sur un beau pont en fer qui a près, d’un kilomètre de longueur ; bientôt nous nous enga-