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cotement de la route en s’appuyant sur leurs cannes, M. Pichon s’approcha du coupé et dit à Mme Gilbert:

« Les petits messieurs aiment quelquefois à monter avec le conducteur pour conduire les chevaux. Si vous vouliez permettre à M. Georges de monter avec moi, j’aurais bien soin de lui, et il s’amuserait comme tout !

— C’est lui qui vous l’a demandé ? dit le capitaine Gilbert.

— Non, monsieur, c’est une idée qui m’est venue ; parce qu’il est si gentil que j’aimerais a lui faire plaisir, voilà tout ; même je n’ai pas voulu parler de cela devant lui, pour qu’il n’ait pas le cœur gros, si la chose ne vous plaît pas.

— Il n’y a pas de danger ? demanda Mme Gilbert à son mari.

— Avec un conducteur comme M. Pichon, il n’y a pas l’ombre d’un danger. Je sais qu’on peut se fier à lui.

— On le peut, répondit simplement M. Pichon.

— Eh bien ! monsieur Pichon, puisque vous voulez bien vous embarrasser de lui…

— Embarrasser ! madame, dit il. Pichon d’un ton de reproche.

— Je lui permets de monter avec vous, et je vous remercie mille fois de votre complaisance. »

M. Pichon rejoignit les deux enfants, et les parents s’amusèrent à regarder le coup de théâtre. De la voiture on n’entendait pas le dialogue, mais il était facile de deviner les paroles en voyant les gestes. D’abord, Georges s’arrêta tout surpris et devint rouge comme une cerise. Ensuite il se tourna vers la diligence. Ses parents ayant, du geste, confirmé les paroles de M. Pichon, il se mit à sautiller en tournant sur lui-même et en battant des mains. Louise le regardait avec stupeur.

« Comprends-tu, Louise, je vais conduire les chevaux ! dit-il avec une gravité pleine d’importance.

Et il ajouta aussitôt:

« Sois tranquille, je ne ferai pas verser la voiture ? »

Louise lança sur lui des regards pleins d’admiration, comme sur un héros destiné à accomplir de grandes choses. Quand la diligence fut arrivée sur le plateau, Louise rentra dans le coupé, et Georges fut hissé sur le siège du conducteur. À la côte suivante, Louise descendit du coupé et Georges de son siège. Georges avait cet air tout particulier des gens qui ont beaucoup vu et beaucoup appris.