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savoir pourquoi, des employés qui manœuvraient des colis en les bousculant le plus possible, deux ou trois conducteurs d’omnibus qui tenaient des bulletins à la main, et un vigneron têtu qui s’obstinait à vouloir prendre son billet de ce côté-là, « parce qu’il était arrivé de ce côté-là ». M. Pichon, qui s’était laissé couper la retraite, tremblait de tous ses membres, craignant d’être surpris en flagrant délit de curiosité.

Pour se donner une contenance, il étudiait, avec un soin affecté, et en regardant de si près, qu’il se sentait loucher, une grande affiche jaune placardée sur la muraille. L’affiche parlait d’un voyage circulaire, à prix réduits, sur les côtes de l’Océan. Une carte, grossièrement imprimée sur un carré de papier blanc, encadré au centre de l’affiche jaune, indiquait les deux itinéraires (car il y en avait deux), ainsi que les points principaux où il était loisible aux excursionnistes de prendre quelque repos.

En suivant de son index noueux l’une des grandes lignes noires, M. Pichon arriva à la Rochelle ; il n’eut pas le courage d’aller plus loin, et tourna furtivement la tête, pour voir se qui se passait derrière lui. Les voyageurs étaient encore là. M. Pichon renfonça vivement sa tête dans ses épaules, et retourna à la Rochelle, barbotta en plein Océan, sans s’en douter. Il y barboterait encore s’il n’eût entendu un froufrou de robe, et un bruit de pas qui se dirigeaient vers la porte de sortie. Il poussa un gros soupir et fit un quart de conversion.

Enfin, le capitaine Maulevrier et Mme Gilbert ouvrirent la marche, chacun d’eux tenant un des enfants par la main. Le capitaine Gilbert venait ensuite, et Marie marchait quelques pas en arrière.

M. Pichon se glissa sournoisement tout le long du mur, et, arrivé à la porte, risqua prudemment un œil avant de tenter une évasion.

« Oh ! dit la petite fille quand le quatuor fut arrivé au bas du perron, le pauvre papa qui est tout seul ! » Alors, levant de grands yeux suppliants vers le capitaine Maulevrier, comme pour lui demander pardon de la liberté grande, elle dégagea doucement sa menotte, qu’elle alla offrir à son papa.

Le petit garçon hésita ; il se trouvait si bien là où il était ! Une toute petite pression de la main de sa mère le décida, et il alla prendre l’autre main de son père.