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Tambourin regarda le plafond.

« Je ne sais pas ce qu’ils ont tous, reprit mélancoliquement Mme Tambourin, mais c’est à qui se sauvera de la Silleraye, comme si c’était une ville pestiférée. Je vois encore d’ici l’arrivée de ce percepteur et de sa petite femme. Ils étaient tout feu et tout flamme. Ils n’avaient jamais vu une aussi jolie petite ville que la Silleraye ! Ils y finiraient certainement leurs jours. Madame ne parlait que de dessiner tout ce qu’elle voyait. Ils feraient des courses dans la forêt ; ils s’amuseraient comme tout ! Au bout d’un mois, madame avait des attaques de nerfs, et monsieur rudoyait les contribuables, comme si c’était leur faute à eux. Picois me disait…

— Pardon, madame, dit poliment le capitaine, est-ce que leur maison est louée ?

— D’après les usages du pays, répondit Mme Tambourin, le percepteur cède son bail à son successeur ; et à moins que son successeur ne se fasse bâtir une maison tout exprès, il prendra celle-là.

— C’est justement son successeur qui m’a chargé de lui louer une maison. S’il n’y a que celle-là de vacante, mon choix sera bien vite fait. Il faut néanmoins que je voie la maison et même un peu la ville pour renseigner mon ami.

— Est-ce qu’il est marié, votre ami ? demanda Mme Tambourin.

— Marié et père de famille, répondit le capitaine.

— Alors, tant pis pour l’autre ! dit Mme Tambourin.

— Pourquoi tant pis pour l’autre ? demanda le capitaine d’un air surpris.

— Parce que si votre ami est marié et père de famille, il est sûr et certain qu’il a son mobilier.

— Je ne comprends pas.

— Le percepteur qui s’en va a fait des folies pour meubler sa maison, et maintenant le voilà bien embarrassé. Le gouvernement, qui n’aime pas les gens capricieux, lui a accordé son changement ; mais, pour le punir, il l’envoie à l’autre bout de la France ; et plutôt que de trimballer ses meubles à deux cents lieues d’ici, il les aurait cédés presque pour rien. Picois me disait…

— Permettez, madame, reprit vivement le capitaine, je crois que les choses s’arrangeront plus facilement que vous ne le supposez. Mon ami est un officier qui prend sa retraite tout jeune, à la suite des fatigues qu’il a endurées pendant la campagne d’Italie. En sa