du vieux conducteur apparurent sur le seuil du corridor, Georges et Louise se séparèrent du groupe et coururent à lui. Georges lui donna une poignée de main, en homme, Louise lui tendit son front sans hésitation.
« Vous me reconnaissez donc, mes mignons ? leur demanda le bonhomme ravi.
—Vous vous appelez M. Pichon, dit Georges avec assurance ; c’est vous qui m’avez appris à conduire ; nous jouons à la diligence et nous parlons souvent de vous aux autres.
— Et puis, ajouta Louise, impatiente de placer son mot, vous nous avez coupé deux jolies cannes, que nous avons encore.
—Voyez-vous cela ! s’écria le bonhomme de plus en plus ravi. Madame, votre serviteur ! »
Mme Gilbert fit asseoir le vieux conducteur sur un siège de jardin, et le bonhomme regarda le groupe d’enfants avec une satisfaction évidente ; il pensait à ses neveux, et même il trouvait une vague ressemblance entre Lucien et le prix de sagesse.
« Je ne suis plus conducteur, dit-il d’un air important.
— Alors vous voilà rentier.
— Rentier et bourgeois de la Silleraye, du moins pas tout de suite ; mais avant un an ce sera fait. » Et il lui expliqua longuement ses projets d’avenir.
Elle était charmante en l’écoutant, et lui, il se disait en lui-même:
« Quelle drôle de chose, je parle en ce moment à une vraie dame, et je suis aussi à mon aise que si je parlais à ma nièce. Je ne m’étonne pas que les gens d’ici fassent venir de la glace pour l’amuser ! »
Deux ou trois fois il fut sur le point de lui dire que s’il avait une famille, c’était bien grâce à elle. Mais elle rougissait si facilement qu’il garda cette réflexion pour lui. Quelque chose lui disait que ce serait mal de la faire rougir.
Il demanda des nouvelles de M. Gilbert ; mais M. Gilbert était sorti avec sa belle-mère et sa belle-sœur. Au moment de prendre congé, M. Pichon dit rapidement:
« À propos, madame, votre boiteux est monté en grade, c’est lui qui me remplace. Bien le bonjour, madame. »
Et il se sauva en trottant, de peur d’avoir à donner des explications