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pose peu commode et ne se réveilla que le lendemain matin après le soleil levé, la tête encore troublée des vapeurs de l’ivresse.

Le paon, qui s’était juché sur son perchoir à l’heure ordinaire, fut réveillé par l’éclat des lumières et par les bruits du bal. Il sauta sur le gazon et se promena de long en large, méditant dans sa tête menue sur ce qu’il voyait et ce qu’il entendait. Soudain, il comprit la situation, et se mit à faire la roue.

Un domestique de la maison, qui était sorti pour pomper de l’eau fraîche, rentra et cria aux autres: « Venez donc voir notre imbécile qui fait la roue ! »

Tous les domestiques sortirent pour être témoins de cet étrange phénomène.

Quelques-uns (ceux qui avaient quitté la campagne depuis peu) traitèrent le paon avec ignominie et lui crièrent, comme on crie aux dindons en Touraine: « Fais la roue, fais la roue, tu boiras du vin doux ! »

Ceux qui étaient plus au fait des belles manières lui jetèrent des gâteaux: toute peine mérite salaire. Le paon se précipita sur cette provende et soupa si copieusement, lui qui ne soupait jamais, qu’il devint absolument stupide et resta comme pétrifié pendant deux jours entiers, avec une sensation de froid tout le long des pattes et dans la région de l’épigastre. Telles furent pour les deux oiseaux les conséquences de la première sauterie.

L’histoire raconte que le valet de pied en livrée jonquille subit le même sort que le perroquet ; elle parle aussi d’un gros gaillard, arrivé depuis peu de son village, qui tomba en catalepsie, comme le paon, pour avoir abusé de la galantine et des petits pains mollets.

Quant aux invités de M. et Mme de Minias, ils se retirèrent, sains de corps et d’esprit, enchantés les uns des autres, et parfaitement décidés à jouir un peu plus que par le passé des charmes de leur société réciproque.

D’ordinaire, les résolutions de cette nature, prises au sortir d’un bal ou d’un banquet, entre minuit et une heure du matin, s’évanouissent quelquefois aux premiers rayons du soleil, comme de légères vapeurs matinales. Cette fois, elles offrirent plus de consistance, et arrivèrent à maturité.

Le capitaine Maulevrier offrit son bras à Mme Gilbert, et M. Gilbert