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que l’on est en droit d’exiger d’une institutrice ; par malheur, elle était très formaliste et légèrement ennuyeuse.

Ayant remarqué que son petit élève était saisi par instants d’une sorte de frénésie de locomotion, et que, dans ses accès, au lieu de courir dans les allées du jardin paternel, il piétinait sur les plates bandes, foulait les gazons et se mail à travers les massifs, elle résolut de calmer sa fougue par une promenade hygiénique (constitutional walk) faite en ligne droite, d’un pas mesuré, sous les arbres du Donjon.

Ce jour-là, par malheur pour la promenade hygiénique, un petit chat maigre, tapi dans les hautes herbes, au pied de la tour carrée, s’était mis dans la tête d’attraper un lézard gris.

Au bruit de la voix grave de miss Pratt, ce petit chat prit peur, sortit de sa cachette et s’élança à travers la promenade.

D’instinct, Max s’élança à sa suite, malgré les objurgations et les rappels réitérés de miss Pratt.

Comme il arrivait devant la maison de Mme Gilbert, le bout de sa petite bottine heurta contre un caillou enchâssé dans la terre dure. Il fit encore une dizaine de pas, la tête en avant, les bras étendus, cherchant à se retenir. À la fin, il tomba lourdement sur la poitrine, le bras droit replié, et demeura immobile.

Mme Gilbert, qui rentrait de la ville basse, venait de sonner à sa porte. Au bruit de la chute, elle s’élança vers le petit enfant, le prit dans ses bras, et, sans apercevoir miss Pratt qui gesticulait dans le lointain, emporta son petit blessé dans sa chambre et le déposa sur son lit. L’enfant, les yeux fermés, pâle comme un mort, gémissait faiblement, à intervalles réguliers.