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pas un fou, et si ses jours à lui Michet ne seraient pas en danger.

« Eh bien ! mon garçon, dit le conducteur facétieux, te voilà donc nu-tête.

— Oui, monsieur Pichon, me voilà nu-tête ; » et il ajouta : « le fait est que je suis nu-tête.

— Et sais-tu pourquoi tu es nu-tête ? reprit M. Pichon avec une sévérité affectée.

— C’est parce que vous avez jeté ma casquette dans les champs.

— Et pourquoi ai-je jeté ta casquette dans les champs ? »

Michet fut repris de toutes ses craintes, et répondit humblement : « Parce que ça vous a fait plaisir, monsieur Pichon.

— On te paye donc bien mal, puisque tu n’as pas seulement quinze sous dans ta poche pour acheter une casquette neuve, lorsque ton chef te fait l’honneur de voyager avec toi. Tout en parlant, M. Pichon travaillait, sous le tablier, à tirer de son enveloppe l’objet en forme de brioche.

— On me paye bien pour ce que je vaux, répondit Michet d’un air embarrassé, et même je reçois par-ci par-là de bons pourboires ; mais j’envoie mon argent à ceux de là-bas, qui en ont encore plus grand besoin que moi. »

Tout à coup M. Pichon dégagea brusquement ses deux mains de dessous le tablier, et appliqua sur la tête de Michet l’objet en forme de brioche.

Michet sursauta.

« C’est un chapeau neuf dont je te fais cadeau, dit tranquillement M. Pichon, parce que tu es un bon garçon et que tu mérites bien cela. Ôte-le de ta tête et regarde-le, au lieu de faire des yeux en boules de loto. Il te plaît ? tant mieux. C’est du solide, je t’en réponds, je l’ai choisi moi-même rue Royale. Si tu peux me faire grâce de tes remerciements, tu me feras plaisir. »

Là-dessus, M. Pichon se mit à regarder les oreilles du cheval de droite. Michet n’osa rien dire. Seulement, il se demandait si M. Pichon l’avait tiré de son écurie uniquement pour lui faire cadeau d’un chapeau neuf, et pour l’occuper à compter les arbres de la route, et les mètres de cailloux.

À force de regarder fixement les oreilles du cheval de droite, M. Pichon fut pris d’une étrange somnolence : « Prends ma place et tiens les guides, dit-il à Michet ; pendant ce temps-là je vais faire