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ni la discipline ni les habitudes, s’étaient contentés jusque-là de jeter des regards furtifs sur la forêt et les collines, sans oser s’approcher du parapet.

Leurs exclamations amenèrent un sourire sur les lèvres de Lucien. La vue qu’ils admiraient était un peu sa vue à lui aussi, puisqu’il était bien décidément de la famille ; et il n’était pas médiocrement fier de leur admiration. Quand les enfants revinrent auprès de lui, il leur dit d’un ton presque paternel:

« Vous voilà quatre, vous devriez faire une partie de croquet.

— Une partie de quoi ? demandèrent Maurice et Nathalie en se regardant avec stupéfaction.

— Georges et Louise vont préparer le jeu, dit-il d’un petit air d’autorité, et, pendant ce temps-là, moi je vous l’expliquerai. »

Georges et Louise allèrent docilement chercher la boîte au croquet, et pendant qu’ils plantaient les arceaux, Lucien expliqua la théorie du jeu aux deux novices. Il était d’autant plus fier de sa science qu’elle était de date récente. Personne à la Silleraye, avant l’arrivée du nouveau percepteur, n’avait entendu parler du croquet. Le jeu commença. Les novices faisaient école sur école, et riaient les premiers de leur maladresse. Lucien les encourageait, leur promettait qu’ils feraient mieux une autrefois, et leur prodiguait les conseils de sa vieille expérience. Il applaudissait gaiement aux heureuses réussites, se démenait dans sa voiture, quand une boule prenait une mauvaise direction, et c’est devant son tribunal que l’on portait les cas douteux ; bref, il était du jeu.

« Eh bien ! après tout, ils sont très gentils, » dit-il quand la porte se fut refermée sur les deux débutants. Les deux débutants de leur côté se communiquaient leurs observations.

« Te figurais-tu Lucien comme cela ? demanda Maurice à sa sœur.

— Non ! je le croyais ennuyeux ; quand nous allions en visite chez sa tante, il avait toujours l’air de bouder, et ne disait pas un mot.

— Lequel aimes-tu mieux de Georges ou de Lucien ?

—Je ne sais pas, répondit Nathalie, je crois que je les aime autant l’un que l’autre.

— Moi aussi. Il faudra que nous ayons un croquet à la maison.

— Mais où jouerons-nous ?