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« Avez-vous peur des chiens ? lui demanda Mme Gilbert en tapotant la tête de Pataud, pour montrer comme il était doux et inoffensif.

— Je n’ai pas peur des chiens, répondit Lucien d’une voix un peu sèche, mais je ne les aime pas… »

Mme Gilbert devina la vérité, et repoussa doucement Pataud, qui s’en alla se poster de l’autre côté de la petite voiture. Cette fois Lucien ne se recula pas.

Mme Gilbert avait pris les mains du petit malade dans les siennes et les caressait doucement.

« Comme il vous regarde ! » dit brusquement Lucien ; et Mme Gilbert sentit trembler les deux petites mains.

« Les chiens sont des animaux très aimants, » répondit Mme Gilbert, en serrant doucement les deux petites mains. Lucien regarda le chien avec plus d’attention.

« Et vous, l’aimez-vous ? » demanda-t-il brusquement.

Mme Gilbert répondit en riant : « Je l’aime comme on aime un bon chien.

— L’aimez-vous plus que moi ?

— Quel enfantillage !

— L’aimez-vous autant que moi ?

— Ce n’est qu’un chien, répondit doucement Mme Gilbert, et vous, vous êtes mon enfant. Comprenez-vous la différence ? »

Il fit signe qu’il comprenait la différence, et baissa la tête d’un air confus ; il sentait vaguement qu’il avait eu tort de dire ce qu’il avait dit.

Mme Gilbert devina que c’était le moment de faire rentrer la paix dans cette âme troublée et de la réconcilier avec elle-même. Elle attira Lucien contre elle et l’embrassa sur le front. Alors les larmes jaillirent des yeux de l’enfant malade, de douces larmes qui emportèrent l’amertume de son cœur.

Dès le début de cette petite scène, Georges et Louise s’étaient retirés discrètement, et on les entendait habiller à quelque distance.

Mme Gilbert, avec son mouchoir, essuya doucement les larmes de Lucien, et lui dit à voix basse :

« Voulez-vous caresser Pataud ?

— Pas aujourd’hui, » répondit l’enfant après un instant d’hésitation.