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le moment, le nourrisson n’avait pour tout vêtement qu’une petite brassière bien blanche et bien repassée.

« Vous arrivez bien, dit la jeune mère avec orgueil, regardez-moi ces petites jambes-là, et ces petits bras.

— Le fait est, dit l’oncle avec une admiration sincère, que voilà un petit jeune homme bien dodu et bien appétissant ! » On aurait juré à l’entendre qu’il parlait d’une belle volaille, mais il n’y mettait point de malice.

La preuve qu’il n’entendait établir aucune comparaison blessante, c’est qu’il déposa deux gros baisers sur les petits mollets roses ; or est-il jamais venu à l’idée de personne de déposer des baisers, gros ou petits, sur les pattes d’une poularde ou sur les ergots d’un poulet de grain ?

Le parrain, qui avait hâte, et pour cause, de voir terminer la toilette de son filleul, dit d’un ton insinuant : « Ne crains-tu pas qu’il ne prenne froid ? Tu vas l’habiller, j’espère.

— Pas avant de vous montrer ce qu’il sait faire. »

Alors elle assit le poupon sur ses genoux. Le poupon de ses deux petites mains saisit son pied gauche et le porta à sa bouche avec une facilité merveilleuse.

« Je ne me charge pas d’en faire autant, » s’écria le corpulent conducteur, et il ajouta :

« Maintenant, habille-le. »

La jeune mère leva la tête et lui demanda finement : « Est-ce que vous avez quelque chose à me demander ?

— Tu devines donc tout ? reprit-il en rougissant un peu. Eh bien ! oui, j’ai besoin que tu viennes voir quelque chose là-haut, dans ma chambre. »

Sans dire un mot, elle escamota le poupon comme une muscade, le posant sur le ventre, puis sur le dos, puis sur le ventre encore, l’enveloppant de bandelettes comme une momie, et l’enroulant dans des langes dont l’oncle Pichon ne voyait jamais ni le commencement ni la fin, tant elle allait vite en besogne. Le poupon se laissait faire sans rien dire, sachant par expérience que tout est bien qui finit bien.

« Voilà ! » dit la ménagère à l’oncle Pichon émerveillé. Puis se levant de sa chaise, et faisant passer le poupon sur son bras gauche par un mouvement rapide, elle ajouta : « Je suis prête à vous suivre. »