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L’oncle ne sourcilla pas et, posant ses deux grosses mains sur les épaules du petit écolier, il lui dit:

« Es-tu sage à l’école ?

— Il y a des jours, répondit franchement le petit écolier. Mais je ne peux pas toujours m’empêcher de parler ; et alors, crac ! un mauvais point.

— Travailles-tu bien au moins ? »

L’enfant regarda sa mère, comme pour lui demander ce qu’il fallait répondre.

« Oui, oui, dit-elle en souriant, il travaille bien ; on n’a rien à lui reprocher de ce côté-là.

— C’est bon, dit l’oncle Pichon, à l’autre maintenant ! »

L’autre avait déposé préalablement ses cahiers, son carton, ses livres et sa règle sur la malle de l’oncle Pichon. Il s’avança à son appel, et lui dit d’une voix douce:

« Bonjour, mon oncle Pichon ! et l’embrassa sans lui endommager les côtes.

— Toi, lui dit l’oncle Pichon, je crois que tu dois être sage. »

L’enfant sourit, et ce fut sa mère qui répondit pour lui.

« C’est toujours lui qui a le prix de sagesse, dit-elle avec orgueil.

— Alors il travaille bien ! reprit l’oncle Pichon, sagesse et travail, ça va toujours ensemble ! »

Ayant débité cet aphorisme avec la gravité et la solennité d’un président de distribution de prix, l’oncle Pichon dit au prix de sagesse:

« Tu peux aller à tes affaires, mon garçon. »

Le prix de sagesse reprit ses livres sur la malle et les rangea avec soin sur une tablette ; ensuite il alla faire des agaceries au poupon que Jacques tenait dans ses bras, par droit de conquête. Par toutes sortes de ruses et d’artifices, il l’avait soustrait à André, qui était allé rejoindre son père à l’atelier. L’oncle Pichon se demandait en regardant sa nièce:

« À quel âge a-t-elle pu se marier, pour avoir l’air si jeune, avec un grand garçon de quatorze ans. Le fait est qu’ils tapent ferme tous les deux, dit-il tout haut en sortant de sa rêverie ; il faut que j’aille voir un peu comment ils se démènent ! »

Et il y alla.