Page:Maman J. Girardin.pdf/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Pichon fut choqué de cette réponse ; il lui déplaisait de constater que Pichon le tonnelier faisait si peu de bruit dans le monde.

Un drôle déguenillé, à mine de furet, qui avait entendu ce dialogue, demanda à M. Pichon d’un air narquois s’il ne s’était pas trompé, et si le Pichon en question n’était pas un marchand de parapluies ? M. Pichon le foudroya de son mauvais œil et le drôle déguenillé court encore.

« À cette adresse-là, dit M. Pichon en tendant un bout de papier au conducteur.

— C’est par là qu’il aurait fallu commencer, répliqua le conducteur en ricanant. Montez, on n’attend plus que vous. »

Chaque fois que l’omnibus s’arrêtait, M. Pichon faisait tous ses efforts pour voir l’aspect des maisons et du quartier, à travers les vitres de l’omnibus, grises de poussière. Un voyageur descendait, et M. Pichon, craignant de n’être pas prêt à temps, se levait brusquement, cognait son chapeau au plafond de l’omnibus, et adressait des signes désespérés au conducteur qui se tenait à la portière ouverte.

« Pas encore, mon vieux, pas encore, disait le conducteur ; mais soyez tranquille, on finira bien par arriver. »

M. Pichon commençait à croire qu’on se gaussait de lui ; aussi n’était-il guère tranquille ; néanmoins la prophétie du conducteur s’accomplit, et l’on arriva. On arriva dans un faubourg paisible, où les maisons étaient étroites et basses, clairsemées et séparées par des cours où il y avait du fumier, des coqs et des poules, et des terrains vagues où l’on voyait des ânes qui paissaient et des lessives qui séchaient.

L’omnibus s’arrêta devant une petite maison assez proprette, dont la porte était toute grande ouverte ; un petit chat atteint d’ophthalmie, qui se chauffait au soleil, entr’ouvrit péniblement un œil, et, à la vue de l’omnibus, rentra précipitamment au logis. M. Pichon aida le conducteur à transporter sa malle dans la salle basse de la maison. Une jeune femme allaitait un gros poupon, assise près de la cheminée où flambait un petit feu, qu’elle regardait d’un air pensif. Au bruit de la malle que l’on déposait sur le plancher, la jeune femme tourna lentement la tête, et demeura stupéfaite en voyant M. Pichon debout près de la malle, tout occupé à frotter son scalp avec un grand mouchoir à carreaux.