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« Cher papa, je l’ai vu sortir de chez Mme de Servan ! »

Désarçonné par cette attaque de flanc, le « cher papa » demeura tout interloqué. Quand il eut recouvré l’usage de la parole, il répliqua avec une écrasante ironie : « Pour sortir de chez Mme de Servan, il suffit d’y être entré ; reste à savoir à quel titre il y est entré ; les percepteurs, je suppose…

— Mais, cher papa, il y est entré à titre de visiteur, et il en est sorti à titre de visiteur.

— À quoi avez-vous reconnu cela, mademoiselle ?

— Il était en habit, avec des gants gris-perle, et il avait sa femme au bras.

— Qu’est-ce qui vous dit que Mme de Servan les a reçus ?

— Elle les a reconduits jusqu’à la porte, et elle leur a tendu la main. »

M. le comte de Minias regarda sa femme d’un air perplexe, et s’écria : « Mme de Servan reconduisant quelqu’un jusqu’à la porte ! Mme de Servan tendant la main à un percepteur ! où allons-nous ? il Ici la voix de chantre se fit entendre, et Mme Foulonne dit d’un air pincé :

« Mademoiselle Nathalie peut-elle me dire comment elle a pu voir les choses qu’elle raconte. Toutes les fois qu’elle est sortie de cette maison, je l’ai accompagnée, comme c’est mon devoir. Si mes yeux sont mauvais, j’ai des lunettes, Dieu merci ! et je n’ai rien vu de toutes ces merveilles.

— Mademoiselle, répondit le no 6, j’ai vu tout cela d’une des fenêtres du second étage, en regardant à travers les lames des persiennes.

— Très-bien ! reprit Mme Foulonne avec un calme menaçant ; mademoiselle Nathalie peut-elle nous dire ce qu’elle faisait dans une des chambres qui donnent sur le donjon ?

— Mon Dieu ! mademoiselle, répondit le no 6 en rougissant, je tâchais de voir ce qui se passait sur le donjon, pour me distraire.

— Pour vous distraire ! s’écria l’institutrice avec véhémence, et depuis quand, je vous prie, une jeune fille bien élevée a-t-elle besoin de se distraire ?

— On s’ennuie tant, répondit le no 6, à voir toujours la même chose, à entendre…

— Assez, s’écria le comte de Minias, et, pour la première fois de