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Durand, et à lui suggérer l’idée d’une promenade quotidienne sur le donjon.

Mme Gilbert avait bien remarqué le petit malade, et son cœur avait été ému de pitié ; ses enfants l’avaient remarqué aussi, et ils avaient demandé à leur maman la permission de courir jusqu’à la grille pour échanger des signes de tête avec le pauvre petit garçon. Mme Gilbert, qui avait volontiers accompagné ses enfants jusqu’à la grille, avait craint de paraître indiscrète, et, à regret, elle avait réprimé l’élan de son cœur.

Mais le pauvre petit malade la préoccupait autant qu’eux, et elle se demandait avec anxiété comment elle pourrait s’y prendre pour aller jusqu’à lui.

Le lendemain, le petit malade était sur le donjon dans sa voiture. Mme Gilbert marcha droit à lui et lui adressa quelques bonnes paroles. L’enfant la regardait d’un air sérieux et ses lèvres tremblaient.

« Embrassez-le, madame, » dit tout bas la gouvernante. Mme Gilbert se pencha et embrassa l’enfant sur le front. Alors, par un mouvement passionné, le petit malade lui jeta ses deux bras autour du cou et se mit à sangloter.

Mme Gilbert avait deviné depuis longtemps qu’il y avait un grand chagrin dans cette existence d’enfant, et elle en fut profondément troublée. Cependant elle calma le petit’malade par de douces paroles, et, lui abandonnant ses deux mains qu’il couvrait de baisers, elle releva la tête et regarda la gouvernante.

« Il n’a plus de mère, lui dit tout bas la gouvernante et sa tante est un peu… un peu sévère avec lui.

— Pauvre petite âme ! » murmura Mme Gilbert.

Georges et Louise intimidés se tenaient à l’écart, regardant l’enfant malade avec une sorte de respect.

« Emmenez-moi chez vous, dit le petit malade, je voudrais voir votre jardin.

— Il n’est pas aussi beau que le vôtre, lui répondit Mme Gilbert un peu embarrassée de cette demande.

— C’est un autre jardin ! répondit l’enfant avec un grand sérieux, et je suis si fatigué, si fatigué de voir toujours la même chose.

— Oh oui ! emmenons-le, s’écria Georges avec véhémence, il sera si content de voir la rivière et la forêt. »