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venait… regarde-moi bien en face… elle venait faire visite à papa ! » Et pour qu’il n’y eût point de doute sur le sens de cette expression familière, M. Pascaud s’administra un bon coup de poing au milieu de la poitrine.

« Mais, demanda Mme Pascaud, comment as-tu deviné qu’elle venait pour toi ?

— Comment je l’ai deviné ?

— Oui ?

— Je ne l’ai pas deviné du tout, elle me l’a dit. »

Au fait, le vieux commis était un homme supérieur aux yeux de sa femme, et Mme Pascaud, d’abord un peu troublée par l’annonce d’un fait aussi inattendu, finit par trouver la chose assez naturelle.

Le bonhomme reprit : « J’expliquais quelque chose à Monsieur, et je tournais le dos à la porte ; la porte s’ouvre tout doucement ; Monsieur se met à sourire, et moi je me retourne d’une seule pièce. Je me trouve nez à nez avec Madame, qui me dit : Asseyez-vous, Monsieur Pascaud, je viens vous faire une petite visite, parce que je veux vous remercier de vous être donné tant de peine pour nous. — N’étant point accoutumé à des visites de dames, je ne savais que répondre, et je perdais un peu la tête.

— Toi perdre la tête, allons donc ! Pascaud, tu m’étonnes ; un homme de moyens comme toi, tu dois le tromper. C’est moi, par exemple, qui aurais perdu la tête, et qui me serais sauvée.

— Ma vieille, reprit M. Pascaud, en la regardant avec malice, il faudra pourtant que tu t’arranges pour ne pas te sauver : Mme Gilbert m’a dit qu’elle tenait à venir te remercier aussi, c’est un grand honneur, et il ne faudrait pas y répondre par quelque chose d’incivil. »

Mme Pascaud jeta tout autour d’elle et sur sa propre personne des regards éperdus.

« Pascaud, dit-elle d’une voix lamentable, comment veux-tu que je reçoive cette dame ? je n’ai jamais reçu de dames, moi ! Que veux-tu que je lui dise ? C’est certainement bien honnête de sa part, mais j’aimerais mieux….

— Quand tu la verras, répondit M. Pascaud avec un accent de conviction sincère, tu n’auras pas peur d’elle, c’est moi qui t’en réponds. Aussitôt qu’elle vous parle et qu’elle vous regarde, on se sent tout à son aise, et quand elle s’en va, on regrette qu’elle ne