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— Mais pourtant, ma chérie, je ne puis pas de but en blanc… il faut être juste.

— Je serais juste et raisonnable, reprit Il Mme Pascaud avec déférence, mais la justice et la raison veulent que chacun soit récompensé selon ses œuvres.

—- D’accord.

— On va t’envoyer encore un Monsieur qui ne sait rien. Le dernier avait été comédien, j’en suis sûre ; celui-là a été capitaine ; est-ce à la caserne qu’il aura appris le métier de percepteur ?

— Ce n’est pas probable, dit M. Pascaud en riant.

— S’il fait des embarras, tu le laisseras se tirer d’affaire tout seul ; s’il te cherche des raisons, tu seras comme un crin ; je tiens absolument à ce que tu sois comme un crin.

— Je serai comme un crin.

— Et tu lui diras: Cherchez-en un autre.

— Et je lui dirai: Cherchez-en un autre !

— Et moi, reprit Mme Pascaud avec une vivacité inaccoutumée, je donnerais bien dix sous pour être là dans un petit coin, et pour voir la figure qu’il fera. Ils nous font sortir de nos gonds à la fin !… Sans compter qu’il pourra chercher longtemps avant d’en trouver un autre qui te vaille.

— Ma chère, dit M. Pascaud en rougissant de modestie.

— Je sais ce que je sais ! reprit Mme Pascaud d’un ton péremptoire.

— Dans tous les cas, ajouta gravement M. Pascaud, s’il doit y avoir de la brouille, il faut que nous puissions nous en laver les mains ; il faut que tous les droits soient de notre côté. Tu ne vois pas d’inconvénient à ce que je m’occupe, s’ils le désirent, de faire leur provision de vin et de bois, comme je l’ai faite pour les autres ; je sais bien que je n’y suis pas tenu, qu’il n’y a rien d’écrit qui m’y force ; mais j’appartiens à la perception: il m’a toujours paru que je devais des égards au percepteur.

— Jour de Dieu ! s’écria chaleureusement l’honnête Mme Pascaud, il ferait bon voir qu’on pût dire à la Silleraye qu’il y a de la brouille parce que les Pascaud n’ont pas été ce qu’ils devaient être. Tu feras leur provision de vin et de bois, et ils seront sûrs au moins d’en avoir pour leur argent. Quant à moi, j’offrirai certainement à la dame de lui faire sa provision d’épicerie ! »