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LXXIV
LA FRANCE ILLUSTRÉE

Sadowa et surtout depuis l’affaire de Luxembourg, guettait le moment favorable de nous attaquer, nous tendit le piège de la candidature Hohenzollern au trône d’Espagne ; piège dans lequel le pouvoir tomba follement en déclarant à la Prusse une guerre qu’elle appelait de tous ses vœux, mais à laquelle la France était peu préparée. Notre armée comptait à peine 220,000 hommes, dispersés le long des frontières, et n’avait ni l’organisation ni le matériel suffisants. Après un moment d’illusion à Wissembourg, deux combats malheureux, Reichshoffen, où nos cuirassiers chargèrent si vaillamment l’ennemi, et Forbach, livrèrent le pays à l’invasion allemande. — Au milieu de la consternation générale, le gouvernement essaya de conjurer le péril ; les Chambres furent convoquées, Paris mis en état de siège ; mais le ministère Ollivier dut payer de sa chute la faute d’avoir entrepris si légèrement cette guerre. Cousin de Montauban, comte de Palikao, reçut la mission de former un nouveau cabinet ; les Chambres votèrent avec patriotisme les crédits et les lois nécessaires pour faire face à la situation. Palikao déploya, dans l’organisation d’une nouvelle armée, une énergie qui releva les espérances. Mais l’armée principale commandée par Bazaine, après trois grandes batailles sous Metz, les 14, 16 et 18 août, se trouvait enveloppée et obligée de rester sous la protection de cette place. Palikao envoya alors l’armée formée à Châlons au secours de Bazaine ; on perdit en hésitations un temps précieux ; le désarroi le plus complet régnait dans le gouvernement, et le désastre de Sedan (2 septembre), en achevant la défaite de nos armées, consomma la ruine de l’Empire. Deux jours après, le 4 septembre, la foule ameutée envahit le Corps législatif, et les députés de Paris, réunis à l’Hôtel de ville, s’emparèrent de la dictature, sous le nom de gouvernement de la Défense nationale.

Ainsi finit le règne de Napoléon III ; et ce gouvernement qui venait de tomber après la capitulation la plus néfaste qui soit dans nos annales « avait pourtant, ajoute l’historien que nous avons déjà cité (M. Ducoudray), obtenu pendant dix-neuf ans des résultats qui ne se sont pas tous évanouis avec lui. » Parmi les grands travaux entrepris : Paris assaini et reconstruit en grande partie ; la rue de Rivoli prolongée ; le boulevard de Sébastopol ; l’achèvement du Louvre ; les bois de Boulogne et de Vincennes, le parc de Monceau et les buttes Chaumont transformés ; le canal Saint-Martin voûté et changé en un vaste boulevard ; des jardins, des squares, les Halles centrales, des fontaines nouvelles, les eaux de la Dhuys et de la Vanne amenées à Paris par des aqueducs ; la restauration de Palais de justice et de Notre-Dame ; les casernes Napoléon et du Prince-Eugène ; des théâtres élevés ou reconstruits ; des ponts établis ou réédifiés, des cités ouvrières, voilà pour Paris ; et Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, toutes les grandes villes se dépouillèrent à son exemple de leurs vieux quartiers pour en construire de nouveaux, plus sains et plus aérés. Dans les départements, création de nombreux chemins vicinaux et de canaux d’irrigation ; rachat par l’État des canaux du Rhin et du Rhône ; agrandissement et réparation des ports de Marseille, de Dunkerque, du Havre, de Dieppe, de Brest, de Saint-Malo, de Saint-Nazaire, de Bordeaux et de Cherbourg ; 16,000 kilomètres de chemins de fer ; plus de 37,000 de lignes télégraphiques en exploitation ; les concours agricoles multipliés, encouragés ; 200,000 hectares de terrain drainé ; le reboisement des montagnes ; grands travaux d’endiguement pour préserver les villes et les campagnes contre le débordement des fleuves et des rivières ; marais desséchés ; la Sologne fertilisée et sillonnée par des routes agricoles ; 45,000 hectares de dunes transformées en forêts ; — dans l’ordre financier : la réorganisation du Comptoir d’escompte ; l’institution du Crédit foncier et de nombreuses Sociétés coopératives, dans l’intérêt de la classe ouvrière ; la réforme commerciale, etc. ; — dans la législation : l’assistance judiciaire ; la suppression de la mort civile ; la loi sur les coalitions ; la révision du code militaire ; la suppression de la contrainte par corps pour dettes ; — dans l’instruction publique : la liberté de l’enseignement ; la réforme du baccalauréat ; le sort des instituteurs et des institutrices amélioré ; la gratuité de l’instruction dans les écoles communales, etc., etc.



GOUVERNEMENT DE LA DÉFENSE NATIONALE.

Pendant que la révolution triomphait dans Paris, les Allemands vainqueurs se portaient à marches forcées sur la capitale, dont le gouvernement, sous la présidence du général Trochu, n’avait pas même songé défendre les approches. Aussi l’ennemi n’eut-il pas grand’peine à s’emparer des hau-