le pouvoir exécutif : il conférait à l’empereur des droits souverains et dictatoriaux qui le rendaient en quelque sorte l’arbitre des destinées du pays. Déjà, à la fin de janvier, Napoléon III avait inauguré son règne par son mariage avec une jeune Espagnole, Mlle Eugénie de Montijo, comtesse de Teba. Dans son voyage à Bordeaux, il avait dit : « L’Empire, c’est la paix ! » Mais à peine sur le trône, il eut à compter avec l’éternelle question d’Orient. Depuis longtemps la Russie méditait de mettre la main sur Constantinople, sous prétexte de protéger les chrétiens d’Orient. Croyant le moment venu de tomber sur « l’homme malade, » comme il appelait le sultan, l’empereur Nicolas donna l’ordre à ses armées de passer le Pruth et d’occuper les Principautés danubiennes ; mais le czar, qui avait voulu entraîner dans son entreprise l’Angleterre, sans se soucier de la France, se trouva bientôt en face de ces deux puissances dont les flottes alliées franchirent les Dardanelles et entrèrent dans la mer Noire. Cette campagne mémorable, mais longue et coûteuse, débuta par la prise de Bomarsund, dans la mer Baltique (16 août 1854). Un mois plus tard, le 20 septembre, victoire de l’Alma, en Crimée, remportée sur les Russes par le maréchal de Saint-Arnaud, qui mourut quelques jours après, laissant le commandement au général Canrobert ; puis, le 5 novembre, bataille d’Inkermann, où l’intervention du général Bosquet sauva 6,000 Anglais surpris et attaqués par 60,000 Russes ; enfin, après plusieurs assauts infructueux, le 18 juin 1855, prise de Sébastopol par le général Pélissier, qui avait remplacé le général Canrobert. Pendant ce long siège, « l’armée assiégeante, dit le général Pélissier dans son Rapport, avait eu en batterie, dans les diverses attaques, environ 800 bouches à feu qui ont tiré plus de 1,600,000 coups, et nos cheminements, creusés pendant 336 jours de tranchée ouverte en terrain de roc et présentant un développement de plus de 80 kilomètres (20 lieues), avaient été exécutés sous le feu constant de la place et par des combats incessants de jour et de nuit. » À la suite de ces événements, un congrès se réunit à Paris le 25 février 1856, et, le 30 mars, un traité de paix fut signé en vertu duquel la Russie renonçait à son protectorat sur les Provinces danubiennes et sur les chrétiens d’Orient. Ce traité consacrait, en outre, la liberté du Danube et la neutralisation de la mer Noire.
Dans ces années d’épreuves, que les mauvaises récoltes et la cherté des vivres rendaient plus difficiles encore, la France avait cependant sur pied une armée de 600,000 hommes, ce qui ne s’était pas vu depuis Napoléon Ier. Il fallut donc recourir aux emprunts ; mais telles étaient les ressources du pays et sa confiance dans le gouvernement, que les souscriptions dépassaient toujours et de beaucoup les sommes demandées.
Ainsi les victoires de notre armée, les acclamations qui la saluèrent lors de sa rentrée solennelle dans Paris ; la naissance du prince impérial ; l’exposition universelle de 1855, où plus de 20,000 exposants répondirent à l’appel de la France ; la visite de la reine Victoria, dont le séjour se prolongea, à Paris, du 15 au 27 août ; les fêtes splendides qui eurent lieu à cette occasion ; la France paisible au dedans, grandie et respectée au dehors, tout semblait sourire au nouvel Empire lorsque, le 4 janvier 1858, éclata tout à coup la machine infernale d’Orsini, à laquelle l’empereur et l’impératrice, se rendant à l’Opéra, échappèrent comme par miracle, mais qui n’en fit pas moins de nombreuses victimes. Ainsi que le gouvernement de Juillet, après l’attentat de Fieschi, le gouvernement impérial crut devoir prendre des mesures pour sa défense. Il obtint du Corps législatif une loi de sûreté générale, et les emprisonnements et les transportations recommencèrent comme après le 2 décembre. La France fut divisée en cinq grands commandements militaires.
Orsini n’avait attenté à la vie de l’empereur que poussé, disait-il, par le désir d’affranchir l’Italie ; sa patrie. Or, Napoléon III songeait si peu à opprimer cette nation que, l’année suivante, il intervint pour la délivrer du joug de l’Autriche. Dans cette guerre, entreprise pour la liberté d’un peuple, Paris crut voir, dit M. Ducoudray, « le commencement d’une politique libérale et se pressa en foule sur le passage de Napoléon III partant pour l’Italie. » Après la victoire de Montebello, qui inaugura la campagne, le 20 mai, la bataille de Magenta ouvrit aux Français les portes de Milan, où Napoléon III et Victor-Emmanuel entrèrent, le 8 juin, au milieu des acclamations et d’une pluie de fleurs ; mais la Lombardie ne fut entièrement conquise que par la défaite des Autrichiens à Solferino (24 juin). Se méfiant de la Prusse qui mobilisait la landwehr et qui pouvait nous attaquer sur le Rhin, Napoléon III crut devoir s’arrêter, et, le 11 juillet,