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LXII
LA FRANCE ILLUSTRÉE

leur casernement. » Carnot, qui savait ce qu’on peut faire avec de tels soldats, avait imaginé, pour dérouter la tactique prussienne et autrichienne, la guerre par masses et d’élan. L’Espagne et la Prusse étaient forcées à la paix.

Victorieuse au dehors, la Convention l’était aussi au dedans. Toulon était repris, les Vendéens battus, les Anglais et les émigrés anéantis par Hoche à Quiberon. Cependant la terreur était à l’ordre du jour. Comme le royalisme, la modération devint suspecte, et les girondins furent sacrifiés. Bientôt les hébertistes et les dantonistes les suivirent sur cet échafaud dont ils s’étaient si longtemps faits les pourvoyeurs. Resté seul maître du pouvoir, le triumvirat de Robespierre, Couthon et Saint-Just tombe à son tour le 9 thermidor. Cependant, quoique mutilée, la Convention conserve encore assez de force pour étouffer le complot royaliste du 13 vendémiaire, et bientôt elle abdiqua le pouvoir entre les mains du gouvernement directorial (1795). Au milieu d’une lutte effroyable, elle avait continué l’œuvre de la Constituante, établi l’unité des poids et mesures, fondé notre instruction publique, nos grandes écoles, préparé la rédaction du Code civil, etc.

Le Directoire n’eut point la même énergie. S’il sut étouffer les complots royalistes et anarchiques, il compromit le gouvernement et la République par ses mœurs suspectes. Au dehors, cependant, le général Bonaparte le faisait respecter par son épée. L’on connaît son admirable campagne d’Italie de 1796. Tandis qu’il imposait à l’Autriche le traité de Campo-Formio, les autres généraux de la République s’éclipsaient pour la plupart. Pichegru et Moreau étaient, l’un, condamné à la déportation, l’autre, destitué pour avoir conspiré. Hoche, ce grand citoyen, cet homme supérieur, mourait à vingt-neuf ans pour le malheur de la France. L’expédition d’Égypte ajouta un nouveau prestige à la gloire de Bonaparte ; mais la République avait perdu toutes ses conquêtes quand il revint. Nos frontières menacées, nos armées désorganisées, nos finances en mauvais état accusaient la faiblesse et l’incurie du gouvernement directorial. On sentait le besoin de sortir enfin des orages de la Révolution, et quelle main plus ferme pouvait opérer ce changement que celle du vainqueur de l’Italie et de l’Égypte ? Bonaparte comprit qu’il était l’homme de la situation, et le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) il fit envahir par ses grenadiers la salle des Cinq-Cents, et dispersa la représentation nationale. Nommé consul avec Sieyès et Roger-Ducos, il sauva la France ; mais ce fut aux dépens de sa liberté.



CONSULAT.

À peine installé, le gouvernement consulaire se mit à l’œuvre. Après avoir pacifié le pays, il s’occupa de le réorganiser. Tout le système administratif, judiciaire et financier fut établi tel qu’il s’est maintenu jusqu’à nos jours, à quelques légers changements près. Quant à l’extérieur, la France ne pouvait rien craindre ayant à sa tête le plus habile de ses capitaines. L’Autriche et l’Angleterre refusaient de signer la paix. Bonaparte fond du haut des Alpes sur l’Italie, écrase Mélas à Marengo, et se trouve maitre de la Lombardie. Moreau, vainqueur à Hohenlinden, pousse jusqu’aux portes de Vienne. L’Autriche s’empresse de signer la paix de Lunéville. Déjà, par le traité de Campo-Formio, elle avait reconnu à la France la possession de la Belgique et de la rive gauche du Rhin. Les mêmes bases furent adoptées à Lunéville. Les républiques batave, helvétique, ligurienne et cisalpine furent reconnues. Bientôt l’Angleterre elle-même, effrayée des préparatifs de descente qui se faisaient déjà à Boulogne, signa la paix d’Amiens (1802). Cette paix ne fut pas longtemps gardée.



L’EMPIRE.

« Nous avons un maître, » avait dit Sieyès en s’effaçant devant le génie de Bonaparte. D’abord premier consul, puis consul à vie, Napoléon, en effet, ne tarda pas de monter les derniers degrés du pouvoir. L’éclat de sa gloire et ses grands services furent la cause de son élévation nouvelle ; en vain les royalistes, qui ne lui avaient point pardonné le 13 vendémiaire, voulurent la conjurer : la machine infernale et la conspiration de Cadoudal et de Pichegru ne firent qu’y aider. Un sénatus-consulte appela Napoléon à l’empire (1804). Bien que le nom de la République fût encore conservé, tout prit un aspect monarchique. Le Sénat et le Corps législatif ne rappelaient plus que les anciens parlements. Seul le Tribunat représentait encore la liberté ; mais cet élément fut bientôt jugé superflu dans le gouvernement, et le Tribunat fut supprimé en 1807. On vit en même temps le nouveau pouvoir s’entourer d’une hiérarchie pompeuse de grands